jeudi 10 avril 2008

Arsène Lupin de Poitiers

Hiver 1885, une série de cambriolages sème la panique dans la ville de Poitiers. Le ou les auteurs de ces larcins font preuve d’une telle audace que les policiers sont totalement déconcertés. Les habitants n’ont comme solution que de monter la garde la nuit tombée. Malgré cela, les vols se succèdent… C’est dans la nuit du 12 au 13 novembre qu’a lieu la première expédition. Un édredon, des oreillers, une descente de lit et un tapis sont substitués dans une maison sise rue des Trois-Piliers. Le lendemain, le vestiaire du Cercle du commerce, situé place d’Armes, est lui aussi visité pendant la nuit. Neuf pardessus sont dérobés. Puis pendant un mois, ce sont les troncs des églises de la ville qui sont pillés. Ceux de Saint-Porchaire, de Sainte-Radegonde, de Saint-Hilaire sont fracturés et vidés de leur contenu. Parfois, ce sont même les ornements des édifices qui semblent plaire au(x) voleur(s) puisque des nappes et des bougies sont soustraites.

Le 13 décembre, c’est au tour du vestiaire du Cercle des officiers, rue des Halles, d’être dévalisé au nez et à la barbe des soldats. Une semaine plus tard, quelqu’un pénètre dans la Brasserie du Rhin, rue du Chaudron d’Or, monte dans les chambres et s’empare notamment d’un billet de 50 francs et d’une montre. Ayant maintenant de quoi s’équiper en meubles et en vêtements, le(s) voleur(s) s’attaque(nt) aux chaussures. Le soir de Noël, trois échoppes de cordonniers situées dans le quartier des Feuillants sont cambriolées. Outils, chaussures et cuir disparaissent. Plus tard dans la nuit, la recette de plusieurs jours de travail d’un cafetier, soit 296 francs, s’évanouit également…

Le 29 décembre, la dame Auchartraire se tient au comptoir de son établissement, Le café du Caveau, rue du Marché. Vers 20h30, elle entend un bruit étrange à l’étage. Quelqu’un vient de faire tomber un objet. La cabaretière s’apprête à monter l’escalier pour aller voir ce qui se passe, lorsqu’un individu qu’elle ne connaît pas dévale les marches et la bouscule. A ses appels, « au voleur !», son mari et les garçons de café se lancent à la poursuite de l’homme et parviennent à l’appréhender. La police soupçonne immédiatement cet individu nommé Delphin Mitchell, cordonnier, né à Richelieu et résidant à Poitiers depuis deux mois seulement, d’être l’auteur de toutes les effractions commises depuis plus de deux mois. Lors de la fouille de son domicile, rue du Moulin à Vent, les policiers découvrent une quantité considérable de vêtements, d’étoffes, de tapis, d’ornements d’églises et d’objets divers qui correspondent à ceux qui ont disparu... Le suspect avoue rapidement sans pour expliquer son geste.

Le procès de Mitchell s’ouvre à Poitiers le 25 mai 1886. En plus des larcins déjà cités, l’accusé doit répondre d’un grand nombre de vols simples : du caoutchouc chez un chapelier ; six chaises au café Castille, place d’Armes ; un composteur de caractères d’imprimerie ; 120 m de drap dans les établissements Vannier et, plus curieux, 150 kg d’oranges place du Marché Notre-Dame. Malgré la tentative de l’avocat de la défense de faire passer son client pour un aliéné, Delphin Mitchell est condamné à huit ans de travaux forcés et à huit ans d’interdiction de séjour. A la sortie du tribunal, on prête à certains spectateurs les propos suivants : « Eh bien ! Il ne les a pas volés ses huit ans ». Mitchell embarquera finalement pour un bagne en Nouvelle-Calédonie.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1726
Illustration : Un cambriolage célèbre dans le supplément illustré du Petit Journal (coll. privée)

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