vendredi 18 avril 2008

Egorgée dans son lit : Le crime d'un fou ? (1910)

Depuis quelques temps, les proches d’Eugène Robin sont inquiets. Le domestique de 31 ans, se comporte étrangement. Il est déprimé, étranger à lui-même, prononçant sans cesse des paroles morbides. Le 2 juin 1910, après avoir dîné, Eugène Robin se couche en compagnie de son épouse, Louise. La jeune femme de 24 ans s’endort rapidement. Eugène n’arrive pas à trouver le sommeil. Il ne peut sortir de son esprit le rasoir qu’il a placé près du lit. Pourquoi l’a-t-il fait aiguiser récemment ? Pourquoi l’a-t-il apporté alors qu’il le laisse habituellement chez ses parents ?

Dans un moment de folie (?), Eugène s’empare de l’instrument tranchant, se penche sur sa femme et d’un coup maladroit lui tranche la gorge. Louise se réveille. Sa blessure l’empêche de crier. Un second coup est porté, puis un troisième. Le sang gicle, Eugène prend peur, jette son arme et s’enfuit. Vers 4h30, le sieur Lebeau, domestique agricole, est surpris de constater que Louise, qui l’aide dans son travail, n’est pas encore levée. Il pénètre dans la maison des Robin. La femme Robin est couchée sur le côté. Il s’approche, retourne le corps. Louise gît, sans vie, dans une mare de sang. Alors qu’Eugène demeure introuvable, les enquêteurs mettent la main sur son journal intime. A chaque page, ce ne sont que des reproches faits à sa femme. Il raconte notamment que lors de leur nuit de noce, Louise s’est refusée à lui, ressentiment d’autant plus amer que le marié a ensuite subi le rituel humiliant de « la rôtie ». Ruminant sans cesse ces griefs, Eugène en a probablement perdu la tête. Le domestique est retrouvé deux jours plus tard, errant dans un champ de blé, vêtu seulement d’une chemise. Il ne semble pas comprendre ce qui lui arrive. Ironie de l’histoire, lorsqu’il est ramené à Angles par les gendarmes, les cloches annonçant les obsèques de sa femme résonnent dans tout le village. Interrogé sur le mobile de son acte, Robin reste évasif avant de tomber dans un profond silence. A la demande du juge d’instruction, trois médecins, dont celui de l’asile d’aliénés de Poitiers, examinent l’accusé. Ils ont unanimes : Robin est un simulateur.

La journée du 23 novembre 1913 est consacrée au procès d’Eugène Robin. Lors de son entrée dans le prétoire, les spectateurs découvrent un homme de taille moyenne, maigre, les cheveux blonds. L’air hagard, Robin semble absent des débats. La question centrale du procès est bien évidemment l’état mental de l’accusé. Pour tenter d’atténuer les charges qui pèsent sur son client, l’avocat de la défense évoque l’hérédité. En effet, la tante de Robin, surnommée la « folle de la Roue », s’est suicidée à l’âge de 23 ans en se jetant dans la rivière. « Toute la question est de savoir si Robin ira en prison ou plutôt dans un asile où l’on soigne », conclut l’avocat. Après 35 minutes de délibérations, le jury a fait son choix : ce sera la prison. Eugène Robin est condamné à sept ans de réclusion.

Sources : L'Avenir de la Vienne
Illustration : L'intérieur du palais de justice de Poitiers

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