mardi 29 avril 2008

Enlèvement d'une fillette à Senillé

Le 24 juillet 1893, Baptiste Vaudeleau, terrassier à Archigny, demande à son employeur, M. Gratien, une permission pour quitter son travail. L’homme de 43 ans vient de recevoir une lettre de sa belle-mère lui demandant de venir la voir de toute urgence. Baptiste se fait payer et prend la route de Châtellerault. Soudain, il change de direction. Il a une autre idée en tête…

Vers 19h, Baptiste arrive à Senillé au domicile des époux Sarrazin. Le couple de cultivateurs emploie comme domestique, la fille de M. Gratien, Juliette, âgée de 15 ans. Baptiste annonce aux époux Sarrazin qu’il a été envoyé par les parents de la fillette. Il doit absolument la ramener, à Archigny, auprès de sa mère qui est gravement malade. Les époux Sarrazin, ayant reconnu Baptiste Vaudeleau comme un employé du père de la jeune fille, la laisse partir sans défiance.

Après une heure et demie de marche, Juliette et Baptiste arrivent à Monthoiron. L’ouvrier abandonne quelques instants la fillette sur le bord de la route pour aller acheter des provisions chez un aubergiste du bourg. Effectivement, quelques instants plus tard, Baptiste revient avec du pain, du pâté et une bouteille de vin. Malgré l’heure tardive, l’homme n’a pas l’air très pressé. Il s’installe dans un fossé et commence à dîner. Il propose à Juliette un peu de nourriture mais celle-ci, qui n’a qu’une seule envie, rejoindre ses parents, refuse et part s’asseoir de l’autre côté de la route. Après avoir tout englouti, Baptiste s’endort paisiblement. De plus en plus inquiète, Juliette réveille l’ouvrier et lui demande de la ramener immédiatement chez ses patrons. Elle rejoindra ses parents plus tard. Mais, Baptiste a changé d’attitude. Il avoue à la jeune fille que sa mère n’est pas malade et qu’il a menti dans le but d’avoir des rapports intimes avec elle. Baptiste se montre de plus en plus pressant. Il s’approche de la fillette et tente de l’embrasser. Juliette se débat vigoureusement et repousse son agresseur en le griffant à la joue. « Veux-tu dix francs ? », lui propose alors Baptiste. Essuyant un nouveau refus, l’ouvrier emploie la force. Il saisit Juliette par le bras et la renverse sur le sol. L’homme tente alors de satisfaire sa passion sur le corps de sa victime. Juliette ne se laisse pas faire. Elle croise les jambes et parvient à se délivrer de l’étreinte honteuse de Baptiste en le mordant à la main. « Si tu ne lâches pas je vais te filer des coups de poings », menace l’homme. Juliette lâche prise et profite d’un moment d’inattention de son agresseur pour s’enfuir. Elle s’enfonce dans les bois sans se retourner de peur d’être rattrapée…Le vendredi suivant, 29 juillet, Mme Gratien se rend à Senillé pour voir sa fille. Les époux Sarrazin sont surpris de cette visite. Juliette est partie il y a cinq jours maintenant avec un ouvrier de son mari. La gendarmerie alertée, Baptiste Vaudeleau est arrêté et questionné sans relâche. On craint le pire. Finalement, après avoir erré près d’une semaine dans la forêt, Juliette rentre chez ses parents le lendemain saine et sauve.

Le procès de Baptiste Vaudeleau s’ouvre à Poitiers le 22 novembre 1893. La singularité de cette affaire a attiré un public nombreux au palais de justice. Le terrassier d’Archigny doit répondre à l’accusation d’enlèvement de mineure. Au cours de débats rapides, il est condamné à cinq ans de travaux forcés.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1743
Illustration : Une vue du bourg d’Archigny où résidaient les parents de Juliette Gratien.

Aucun commentaire: