vendredi 18 avril 2008

Expédition punitive près du Pont Joubert

Le 27 mai 1862, vers quatre heures du matin, le corps d’un individu affreusement mutilé est retrouvé près de pont Joubert. Plusieurs habitants du quartier, réveillés pendant la nuit par des cris terribles, déclarent avoir assisté à un véritable passage à tabac, mais personne n’est intervenu.

Un peu avant, vers 21 heures, Pierre Ravienien, 29 ans, dit le « grand infirmier » en raison de son imposante corpulence et du métier qu’il exerce à l’hôpital général de Poitiers, retrouve son ami André Leclerc, un mégissier de 23 ans, près de la porte de Paris. A cette heure-ci les rues de la cité sont désertes. Arrivés au niveau de la tour de la Poudrière, les deux compères croisent un homme se promenant seul. Un regard suffit. Ils vont faire un coup. Ravienien et Leclerc font demi-tour et commencent à rudoyer le pauvre homme pour s’emparer de son argent. Les coups pleuvent. L’arrivée d’un agent de l’octroi, alerté par les appels à l’aide, met en fuite les deux agresseurs. La victime est le sieur Levreau, un teinturier de 45 ans. Il se rendait dans son atelier, rue de Vauvert, lorsqu’il a été attaqué. Levreau remercie l’agent de l’octroi, déclare qu’il portera plainte le lendemain et reprend son chemin.Vers une heure du matin, Levreau quitte son échoppe. Il fait seulement quelques mètres lorsqu’il aperçoit plusieurs silhouettes s’approcher de lui. Il reconnaît immédiatement ses deux agresseurs. Un troisième homme les accompagne. Il s’agit d’un certain Maurice, travaillant également à l’hôpital de la ville en tant que jardinier. Les trois individus viennent faire taire à jamais le seul témoin de leur tentative de vol. La lutte est inégale. Ravienien, qui a servi comme cuirassier dans l’armée, maintient le malheureux au sol pendant que les deux autres finissent le travail à coups de talons de botte.

Au lever du jour, le corps de Levreau, dépouillé de ses vêtements, est découvert. Il respire encore mais est horriblement mutilé. Il a les os du nez brisés, ses yeux sont complètement fermés, ses oreilles lacérées. Le sang qui recouvre le parapet du pont souligne l’extrême violence de la lutte. « Soignez-moi, ils le paieront », telles sont les dernières paroles prononcées par Levreau avant de succomber des suites de ses blessures. Alors que les enquêteurs s’affairent sur la scène du crime, un policier aperçoit, non loin de là, un homme allongé dans un pré. Sa chemise est déchirée et couverte de sang. C’est André Leclerc qui somnole. Interrogé sur l’état de ses vêtements, il déclare s’être battu dans la nuit avec deux inconnus qu’il croit être des employés de l’hôpital. Le stratagème des assassins est clair : faire croire qu’ils ne se connaissent pas et qu’ils se sont battus entre eux le soir du meurtre. Rapidement confondus par les incohérences dans leur emploi du temps, ils sont renvoyés devant la cour d’assises de la Vienne.

Leur procès s’ouvre à Poitiers le 1er décembre 1862. Il va durer quatre jours. Pas moins de 74 personnes ont été appelées à témoigner. Lors des débats, les trois accusés nient avec vigueur avoir participé au vol et au meurtre de Levreau. A la surprise générale, le jury rend un verdict négatif. Ravienien, Leclerc et Maurice ressortent libres du tribunal.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1654
Illustration : Carte postale du Pont Joubert

Aucun commentaire: