samedi 26 avril 2008

Fratricide dans une ferme de Leigné-les-Bois

Pour nombre d’observateurs, certains criminels au sang chaud et au caractère exalté, se montrent incapables de maîtriser leur ressentiment. Tel est le cas de Benjamin Forget, un cultivateur de 40 ans, résidant avec son père et ses frères et sœurs dans une ferme de Leigné-les-Bois. Fils aîné de la famille, individu à la personnalité insaisissable, il s’est mis en tête de vouloir tout contrôler dans la maison et d’y conserver, pour des raisons obscures, toute sa fratrie. Lorsque son frère Honoré voulut se marier avec une jeune fille honorable, il y a quelques années, il a fallu tous les efforts des membres des deux clans pour que la cérémonie ait lieu sans incident.

En 1854, c’est au tour de sa sœur Jeanne, 23 ans, d’envisager un mariage avec François Doucet, domestique au service des Forget depuis plusieurs années. Une fois de plus, Benjamin voit avec dépit cette union qui introduirait un nouveau maître dans la maison. Dès que le sujet est évoqué, l’homme devient incontrôlable, renverse tout sur son passage allant jusqu’à menacer de mort le pauvre Doucet. Le 6 mai 1854, jour de la publication des bans, toute la famille est réunie pour se rendre chez le maire de la commune. Benjamin ne cesse de tourner en rond avec un air décidé qui terrifie tout le monde. Son frère Louis, de onze ans son cadet, est la seule personne capable de le contenir étant doté d’une force herculéenne. Il propose à Benjamin de les accompagner jusqu’à la mairie, mais ce dernier ne veut rien entendre. Il se lève, menace une nouvelle fois Doucet et se dirige vers la chambre où se trouve l’armoire à fusils. Louis se jette sur lui et parvient à le terrasser in-extremis avant qu’il ne s’empare d’une arme. Loin d’être apaisé, Benjamin erre de chambre en chambre, avec toujours comme idée fixe d’empêcher le mariage. Pourtant surveillé de près, Benjamin profite d’une seconde d’inattention pour se saisir d’une arme et tirer à deux reprises sur le pauvre Louis venu le raisonner. Malgré ses blessures, Louis parvient à immobiliser une nouvelle fois son frère avant de s’effondrer, mort.

Le procès de Benjamin Forget s’ouvre à Poitiers le 28 août 1854. Depuis son arrestation, l’accusé est resté prostré dans sa cellule. Pour sa défense, il déclare, avec peu de conviction, qu’il n’a jamais voulu tuer son frère et que le coup est parti tout seul. L’avocat en charge de sa défense, Me Duplaisset, qui jouit d’une excellente réputation, tente par tous les moyens de sauver la tête de son client. « Il est certain que la fatalité seule est coupable, et que le sang versé ne doit tomber sur la tête de personne », dit-il au cours de l’audience. Malgré une plaidoirie éloquente, Benjamin Forget est condamné à la peine de mort. Son pourvoi en cassation est rejeté le 15 septembre suivant. L’Empereur commue finalement la sentence en travaux forcés à perpétuité, comme ce fut le cas pour toutes les condamnations à mort ordonnées sous le Second Empire dans la Vienne.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1622
Illustration : Plan de la scène du crime

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