lundi 14 avril 2008

Guet-apens sur le pont Saint-Cyprien

Le 29 mars 1848, vers 20h, le nommé Touchard, employé au gaz, est alerté par des appels à l’aide provenant du pont Saint-Cyprien à Poitiers. Une femme laissée pour morte est en train de se traîner sur le sol. Il s’agit de Marie Gâtineau, une journalière de 39 ans. La malheureuse est totalement défigurée. Son visage est tailladé de part en part, le nez est sectionné en deux, des dents sont brisées. La victime, en voulant probablement se défendre, a également de multiples plaies sur les bras et les mains, deux doigts sont même sectionnés. Jean Gâtineau, son mari, qui travaille comme cocher chez un ancien sous-préfet, est immédiatement informé. Il explique qu’il avait donné rendez-vous à sa femme au parc de Blossac pour aller ensemble rendre visite à sa belle-sœur du côté du Pont-Neuf. N’ayant vu personne, il s’est décidé à y aller seul. L’attitude déconcertante de l’homme, qui cherche à tout prix à se débarrasser de ses vêtements, interpelle les enquêteurs. Ces derniers finissent par découvrir de larges traces de sang sur son gilet et sa chemise. Ne pouvant en donner l’origine exacte, Jean Gâtineau est arrêté.

Ce n’est qu’un mois plus tard, le 28 avril, que l’affaire connaît son dénouement. La femme Gâtineau, muette jusque là, décide de raconter ce qui s’est réellement passé : « C’est après avoir consulté ma conscience et adressé mes prières à Dieu que je me suis déterminée à parler. Sur les huit heures, j’ai rejoins mon mari qui m’avait donné rendez-vous à Blossac. Je lui ai donné le bras droit et chemin faisant, il s’arrêta brusquement. Il m’engagea à passer sur le parapet du pont, je lui répondis qu’il s’y trouvait de la saleté et des épines. Alors mon mari m’asséna un coup violent derrière la tête qui me terrassa. Je sentis qu’il me prenait par les cheveux et je ressentis des douleurs bien vives. Puis je l’entendis partir en courant alors que je m’évanouissais. Je suis infirme pour le reste de mes jours et hors d’état de gagner ma vie et celle de mes enfants, c’est parce que c’est la vérité que j’accuse aujourd’hui mon mari ».

Le procès de Jean Gatineau s’ouvre à Poitiers le 5 août 1848. Les abords du palais de justice sont assaillis par une foule nombreuse. Interrogé sur les mobiles de son geste, Gâtineau répond qu’il était épris d’une jeune fille qui travaillait également pour son maître. C’est pour partir avec elle qu’il a voulu tuer sa femme. La déposition de Marie Gâtineau, constitue le moment fort du procès. « Cette malheureuse rapporte d’une manière simple et sans colère, mais d’une voix entrecoupée, l’épouvantable supplice qu’elle a subi. Des larmes tombent de tous les yeux », relate un chroniqueur du Journal de la Vienne. Après une demi-heure de délibérations, le jury rend un verdict affirmatif sur toutes les questions. Gâtineau est condamné à la peine de mort. Sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité le 21 septembre suivant. Après un séjour au bagne de Rochefort, Gâtineau est envoyé à celui de Brest où il décède le 25 janvier 1855.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1586
Illustration : Le Pont Saint-Cyprien à Poitiers

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