lundi 14 avril 2008

Il tue sa femme infidèle (1880)

Les liens conjugaux connaissent régulièrement des tensions et des crises, apaisés et surmontés la plupart du temps. Mais l’amour, qu’il soit charnel, exclusif, contrarié, passe parfois par le crime. Il suffit souvent d’une vague inquiétude, d’un mauvais pressentiment pour que naisse un sentiment haineux et qu’intervienne un drame. Henri Gazil, marchand de rouennerie civraisien de 32 ans, est depuis plusieurs années délaissé par son épouse, Marie.

A plusieurs reprises, il a essayé de reconquérir la jeune femme de 23 ans qui partage sa vie, mais rien n’y fait, celle-ci le rejette un peu plus chaque jour. Ayant des doutes sur sa fidélité, Henri décide de lui tendre un piège afin de la surprendre en flagrant délit. Le 16 juillet 1880, tôt le matin, il feint de partir à la foire de Pressac et se cache en réalité dans la cave de son domicile. Avant de partir, il a essayé une nouvelle fois d’embrasser Marie, mais celle-ci a repoussé avec dégoût son geste de tendresse. Vers 11h30, Henri entend des bruits de pas. Sa femme, qui était elle aussi sortie, est de retour. Tout semble normal, lorsqu’une voix d’homme et des bruits de pas montant l’escalier se font entendre. Henri est désespéré.

Les soupçons sur l’inconduite de son épouse s’avèrent fondés. Henri sort de sa cachette, s’empare d’un revolver et monte discrètement à l’étage. Arrivé devant la porte de sa chambre qui est restée entrouverte, il aperçoit sa femme et un ami à lui, le dénommé Vallade, 36 ans, dépouillés de leurs vêtements, étendus côte à côte sur le lit. Henri hésite un instant. Il s’est déjà renseigné auprès du maire de la commune. Il lui serait facile de faire constater le délit d’adultère et de poursuivre ainsi en correctionnelle sa femme et son amant. La peine encourue serait de deux ans de prison et engendrerait la séparation de corps et par conséquent celle de biens. Mais cette condamnation est trop faible à ses yeux par rapport aux humiliations qu’il subit journellement. « Je vous prends sur le fait, Misérables ! », s’écrie Henri, franchissant la porte, le revolver pointé sur sa femme. Au fond de lui, l’homme trompé n’espère qu’une seule chose, que sa femme lui demande pardon. « Vas-y tire, si tu veux », telles sont les seules paroles prononcées par Marie. Henri, hors de lui, décharge alors son arme sur les deux amants avant d’ouvrir la fenêtre et de crier « à l’assassin ». Alerté, un voisin arrive sur les lieux du drame. Le meurtrier est prostré devant le lit couvert de sang, l’arme encore fumante à la main. « Vous avez fait ce que vous avez cru devoir faire, descendez maintenant », lui dit-il. La femme Gazil, touchée à quatre reprises, décèdera des suites de ses blessures, le 1er août suivant. Vallade s’en sortira miraculeusement.

Le procès d’Henri Gazil s’ouvre à Poitiers le 18 août 1880. D’une taille au-dessus de la moyenne, élégamment vêtu, les cheveux bien peignés, l’accusé fait bonne impression. Celle-ci est renforcée par le soutien de 400 habitants de Civray qui ont signé une pétition en sa faveur. Finalement, Henri Gazil est acquitté sous les applaudissements du public.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1712
Illustration : La rue des Arts à Civray, le lieu du drame

Aucun commentaire: