samedi 26 avril 2008

Ils séquestrent le mendiant épileptique

Les David, un couple de mendiants, habitent une modeste bâtisse située dans le village de Brux. Anne David, âgée de 70 ans, ne travaille plus depuis longtemps et son mari, âgé de 52 ans, ne peut plus exercer son métier de charpentier à cause de violentes crises d’épilepsie. En août 1842, le couple d’indigents reçoit la visite d’un de leur voisin, Jean-François Petit. Ce fondeur de cuillers connaît l’état de misère dans lequel vivent les David. Ayant travaillé pour eux à plusieurs reprises, il a cependant remarqué que le ménage possédait un mobilier conséquent. Sans doute attiré par ces biens, Jean-François Petit propose son aide. Il est d’accord pour les accueillir chez lui à condition qu’ils apportent leurs effets personnels. Les David sont convaincus. Le 9 septembre suivant, un traité est rédigé. Jean-François Petit s’engage à recevoir, à chauffer et à fournir les soins nécessaires aux David. De leur côté, ils apporteront tout ce qu’ils possèdent, linge, buffets, coffres, outils de travail et deux lits garnis. L’ensemble du mobilier appartiendra définitivement à Petit au décès du dernier des époux David.

L’accord signé, l’installation dans le nouveau domicile se déroule le 29 septembre. Rapidement, le contrat qui semblait au départ somme toute honnête se transforme en un véritable calvaire pour le pauvre David. A peine installé, Anne David avoue à son nouveau logeur qu’elle ne peut plus supporter la maladie de son mari. Ensemble, ils décident que le vieillard dormira dans une étable à côté de la maison. Son lit est donc dressé dans un modeste hangar. Puis, prétextant que l’infirme mouille constamment ses draps, les nouveaux associés récupèrent la couchette confortable et la remplacent par une mauvaise couette dressée sur de la paille. Malgré ces vexations, David ne se plaint pas. Il est libre de ses mouvements et peut aller librement quémander son pain. Au début de novembre, une nouvelle attaque affaiblit considérablement le vieil homme. Cette fois, il lui est devenu impossible de se déplacer. Alité, il ne peut compter que sur sa femme pour se nourrir. Jean-François Petit qui souhaite dissimuler l’état de santé désastreux de son locataire cadenasse même les portes de la grange. Au début du mois de décembre, David est totalement abandonné. Constamment enfermé, il ne reçoit presque plus de nourriture. Son désespoir est tel, qu’il tente de creuser un trou à travers le mur de sa prison. En vain, les forces lui manquent. David se met alors à crier toute la journée, réclamant du secours. Les voisins, bien qu’alertés par les appels désespérés, n’interviennent pas. Dans la nuit du 11 décembre, quelques gémissements inaudibles s’échappent une dernière fois de la grange. Le lendemain, on apprend dans tout le village que le malheureux a cessé de vivre. Face aux circonstances particulières du décès, une enquête pour séquestration est ouverte.

Le procès s’ouvre à Poitiers le 4 mars 1842. Pour sa défense, Jean-François David déclare qu’il devait loger le couple David et non le nourrir. Au sujet de l’enfermement de la victime, il affirme que celui-ci effrayait tout le voisinage. La femme David avoue avoir apporté tous les jours du pain à son mari. Devant cette interprétation du contrat qui avait été passé entre les deux parties, les jurés déclarent Jean-François Petit et Anne David innocents. A la fin du procès, beaucoup pensaient qu’ils ne seraient pas étonnés de voir disparaître prochainement la veuve David...

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1555
Illustration : La mendicité vue par L'Assiette au Beurre

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