vendredi 25 avril 2008

La mare aux diables

En 1876, un grand malheur s’abat sur les époux Dauvergne. Le couple, résidant à Champagné-Saint-Hilaire, perd son premier enfant quelques jours après sa naissance. Pour ne pas revivre ce calvaire, ils adoptent une fillette de l’assistance publique, une petite Adèle, âgée de 1 an. En 1898, Adèle, qui a bien grandi depuis, se marie avec Toussaint Guichard. Le mariage a été arrangé par les parents de la jeune fille, le prétendant jouissant d’une bonne situation. L’avenir se présente donc sous les meilleurs hospices, d’autant plus qu’en 1905, les époux Dauvergne donnent tous leurs biens à leur fille à charge d’une rente viagère de 600 francs.

Cependant, la situation se dégrade rapidement. Toussaint considère que le montant de la rente est trop élevé et refuse de la payer. « Il faut tuer Dauvergne. Qui ne tente rien, n’a rien ». Ces propos se répètent chaque jour au sein du ménage Guichard et chaque jour l’idée d’un meurtre mûrit davantage. Au début de l’année 1906, le moyen de se débarrasser du « Vieux », veuf depuis un an, est trouvé : ce sera la mare au fond du jardin. Le mari et la femme sont d’accord. Un stratagème est même établi à l’avance. Toussaint Guichard jette dans la mare une perche appartenant à son beau-père et installe à proximité un fagot de bruyère pour pouvoir se cacher lorsque viendra le moment d’agir. Le 5 février, Louis Dauvergne s’absente. Adèle envoie son fils chez une voisine puis attend, impatiente, le retour de son père adoptif. Le crime aura lieu aujourd’hui. Vers 12h30, Adèle l’aperçoit enfin qui revient à son domicile. Immédiatement, elle prévient son mari qui part, comme prévu, se cacher derrière le fagot de bruyère. Adèle se positionne près de la mare, un seau à la main. Elle interpelle son père en lui faisant remarquer qu’une de ses perches flotte au milieu de l’eau. Le père Dauvergne s’approche, se penche. Soudain, Guichard sort de sa cachette et précipite le vieillard dans la fosse. Le pauvre Dauvergne tente de remonter à la surface. Son regard croise celui de sa fille. Le malheureux l’implore de l’aider. Adèle ne bouge pas. Elle observe, impassible, le corps du pauvre homme disparaître. Toussaint Guichard doit maintenant se créer un alibi. Il décide de se rendre le plus vite possible dans un hameau voisin. « Qui ne voit rien, ne dit rien », dit-il à sa femme pour la rassurer avant de partir. Sauf qu’il y a bien un témoin. Une voisine, la femme Bouchet, a tout vu. Après s’être remise de ses émotions, elle raconte tout à la justice. Les époux Guichard sont arrêtés.

Deux mois s’écoulent avant qu’ils ne se décident enfin à avouer leur forfait. Le procès s’ouvre le 23 mai 190­6 devant la cour d’assises de la Vienne à Poitiers. Les deux accusés sont introduits par les gendarmes. Guichard est vêtu d’un veston bleu foncé et d’un pantalon de velours. Adèle, sa femme, porte un corsage de drap gris et un mouchoir de laine recouvre sa tête. Malgré le réquisitoire sévère de l’avocat général qui réclame la peine suprême, les accusés obtiennent les circonstances atténuantes. Toussaint Guichard est condamné aux travaux forcés à perpétuité ; Adèle à 10 ans de travaux forcés.

Sources : L’Avenir de la Vienne
Illustration : Une vue de Champagné-Saint-Hilaire

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'avenir ne se présente pas sous les meilleurs "hospices" mais sous les meilleurs "auspices"