vendredi 4 mars 2011

La petite fille aux allumettes


Une seconde..

Châtellerault - Dans la nuit du 2 septembre 1898, Eugénie, 13 ans, met le feu au lit de sa patronne, une veuve de 81 ans en train de dormir.

« C’est un spectacle bien triste que de voir aujourd’hui une enfant accusée d’un crime que le code punit par la peine de mort. Mais rassurez-vous, la loi pénale n’applique pas cette peine à des personne de votre âge ». Le 24 novembre 1898, s’ouvre à Poitiers un procès particulier. Comme le souligne le Président du tribunal, c’est une fillette âgée seulement de 13 ans qui est assise sur le banc des accusés. Les chefs d’inculpation : tentative de vol et incendie volontaire.

Eugénie Diot est une enfant difficile. Désarmés, ses parents décident de la placer. Le 25 août 1898, elle entre comme domestique au service de Louise Nivert, veuve de 81 ans résidant à Châtellerault. Dès son arrivée, Eugénie remarque que sa maîtresse dissimule tous les soirs sous son oreiller, la clé du secrétaire où est rangé son porte-monnaie. La tentation de compléter facilement ses gages est trop forte. Il lui faut impérativement trouver un moyen de s’emparer du magot. Le 2 septembre, après le dîner, la veuve Nivert fait sa toilette. Eugénie en profite pour agir. Elle se saisit d’une lampe à esprit-de-vin et déverse le contenu sur les rideaux, les boiseries et le lit de sa patronne. Bien qu’interpellée par la forte odeur qui se dégage, celle-ci n’en tient pas compte et se glisse paisiblement sous ses draps. Eugénie part se coucher également. Allongée sur son lit, elle attend que sa maîtresse dorme profondément. Vers dix heures, Eugénie se lève et pénètre dans la chambre voisine. Munie de sa lampe à pétrole, elle met le feu aux rideaux. Rapidement, toute la pièce s’embrase. Le crépitement des matières qui flambent, l’air suffocant réveillent la dame âgée. Elle se croit le jouet d’un affreux cauchemar mais l’étreinte de la chaleur la rappelle à la réalité. Elle s’aperçoit alors avec effroi qu’elle se trouve au milieu d’un brasier. Prise d’une terreur folle, la vieille femme se lève difficilement et demande de l’aide à sa servante. Celle-ci reste impassible. Seul l’argent lui importe maintenant. Totalement désemparée, la veuve Nivert parvient à s’extirper des flammes. Aucun obstacle ne peut plus arrêter Eugénie. Elle s’empare de la clé et se dirige vers le bureau. Sur le point d’arriver à ses fins, l’effondrement du plafond l’interrompt brusquement. Effrayée, Eugénie jette la clé et fuit à son tour. Alertés par les cris de leur voisine, plusieurs habitants munis de seaux d’eau maîtrisent l’incendie. Les gendarmes arrivés sur les lieux commencent immédiatement leur enquête. Ils découvrent plusieurs mèches et des allumettes dissimulées dans les couvertures de la domestique. Sans aucune émotion et sans manifester le moindre regret, Eugénie avoue son geste et le mobile qui l’a poussé à agir.

La tâche de maître Guitteau, l’avocat de l’inculpée, est difficile. Il doit convaincre le jury que sa cliente, du fait de son jeune âge, a agi sans discernement. Sinon, elle sera incarcérée. Après délibérations, Eugénie est bien acquittée car jugée non responsable de ses actes. Malheureusement au lieu d’être rendue à ses parents jugés incapables de l’élever convenablement, elle est condamnée à être internée dans un établissement spécialisé jusqu’à ses 18 ans.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1753
Illustration : L'Assiette au Beurre, septembre 1908, dessin de Naudin

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