dimanche 24 avril 2011

"La Pierreuse" et ses deux amants

Pour terminer la série châtelleraudaise... Une dernière histoire.

En avril 1920, Gaston Berthelot est libéré de la prison de Poitiers Il avait été condamné pour vol. Le peintre en bâtiment de 34 ans, retourne à Châtellerault auprès de sa famille qu’il n’a pas vue depuis plusieurs années. Immédiatement, ce « malfaiteur endurci, ce voleur impénitent », comme le nommera l’avocat général au cours du procès, reprend sa vie de débauche.

Un mois après sa libération, Gaston fait la connaissance de Léonie Michot dont il veut devenir l’amant. A force de brutalités, l’homme parvient à ses fins, obligeant la jeune femme âgée d’une vingtaine d’années à se livrer à la prostitution et à lui procurer l’ensemble de ses revenus. Régulièrement battue, « la pierreuse » se console rapidement dans les bras d’un autre homme, Daniel Jude, camarade de travail de Gaston. Voulant rétablir son autorité sur sa maîtresse, Gaston menace les nouveaux amants de les tuer s’ils continuent à se fréquenter. Au cours d’une rixe entre les deux hommes, Léonie qui tente de les séparer, reçoit un violent coup de poing qui lui brise deux dents (au cours du procès, Berthelot déclarera lui avoir délivré seulement « une tape »…)

Le 4 juin, Gaston croise une nouvelle fois Daniel Jude avec, à son bras, Léonie. Pour en finir une bonne fois pour toute, il donne rendez-vous à son rival à 21 heures, avenue d’Antoigné. Daniel Jude arrive à l’heure convenue. Berthelot l’attend au milieu de la rue. Lorsque Jude lui demande quelles sont ses intentions, Berthelot les lui fait comprendre immédiatement en déchargeant le revolver qu’il dissimulait derrière son dos. Atteint au bas-ventre, Jude s’effondre et expire quelques instants après. Le lendemain, Gaston retrouve Léonie. Toujours armé de son revolver, il cherche à l’intimider et lui demande de revenir avec lui. Endeuillée, n’ayant plus rien à perdre, Léonie refuse et s’apprête à aller le dénoncer. Elle ajoute que le seul moyen de l’en empêcher sera de la faire taire à jamais. Gaston pointe alors son arme vers la jeune fille et... la pose sur le sol. Pris de remords, il se constitue prisonnier au commissariat de Châtellerault.

Le procès de Gaston Berthelot s’ouvre à Poitiers le 2 août 1920. Au cours de l’audience, l’avocat général Bonnin et le défenseur de l’accusé, Me Gros, se livrent à une véritable joute verbale. Le premier, dans son réquisitoire, décrit l’accusé comme « un danger pour la société et digne d’aucune pitié ». L’avocat de la défense, qui a la lourde tâche de sauver la tête de son client, trouve des accents poignants pour plaider les circonstances atténuantes. Il définit cette sombre histoire comme « un drame passionnel causé par un amour charnel, un amour bas ». Il conclut son propos par les mots du romancier et journaliste français, Alphonse Karr : « Deux ouvriers se battent dans la rue avec des couteaux ; on les prend pour des malandrins. Allongez les armes, vous en faites des épées et c’est un duel d’hommes du monde ». L’audace de l’homme de loi s’avère payante : les circonstances atténuantes sont accordées à Berthelot qui est condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Sources : L'Avenir de la Vienne
Illustration : "La Pierreuse", estampes de Félicien Rops

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