jeudi 10 avril 2008

"L'armée du vol"

Vers deux heures du matin en cette nuit du 10 au 11 mai 1947, plusieurs coups de feu retentissent. Un homme chancelle, court en titubant, ses mains couvrant l’affreuse blessure qu’il porte au visage. Il n’a que le temps de faire une dizaine de mètres avant de s’écrouler. Trois ombres s’affairent autour du blessé, le chargent dans une voiture qui démarre en trombe. A l’aide de son fusil de chasse, Abel Rabier, garagiste à Saint-Léger-de-Montbrillais, vient de faire fuir les quatre malfaiteurs qui tentaient de le cambrioler. L’homme de 38 ans, qui devait être une proie facile, a l’oreille fine et le caractère bien trempé. Lorsque le bruit d’une vitre brisée le réveille en sursaut, il bondit de son lit, dévale les escaliers après avoir, au passage, décroché son fusil. « Pars ou je tire », crie-t-il aux mauvaises âmes qui ont pénétré dans sa cuisine. Ses menaces sont accueillies par deux coups de revolver. C’est à ce moment que le garagiste riposte avec plus de réussite.

La police de Poitiers, immédiatement alertée, se met en quête des fuyards. Les nombreuses traces de sang retrouvées sur les lieux du drame laissent présager que l’un des malfaiteurs est gravement blessé. Aussitôt, tous les hôpitaux de la région et des départements alentours sont inspectés. Vers cinq heures du matin, un homme au visage défiguré et couvert de sang est admis dans un hôpital de Tours. L’inconnu a été discrètement déposé par ses acolytes qui ont immédiatement pris la fuite. Tous ses papiers d’identité ont disparu et son état critique empêche tout interrogatoire. Un indice minuscule met pourtant l’inspecteur Nocquet de la PJ de Limoges en charge de l’enquête (celui-là même qui arrêta Henri Bonnin, le tueur de Croutelle cf. le crime du lundi du et qui dirigea l’enquête contre Marie Besnard, l’empoisonneuse de Loudun) sur la trace des cambrioleurs. Il s’agit d’un ticket d’autocar. Il permet d’identifier l’hospitalisé de Tours, Maurice Berland, un polisseur d’Asnières âgé de 21 ans, et de mettre la main sur les autres membres de la bande : Désiré Jahier, un manœuvre parisien de 20 ans, Raymond Guignard, 30 ans, originaire de Saint-Léger, exerçant la profession de polisseur à Paris et Moïse Lévy, 38 ans, porteur de journaux de la capitale.

Le quartette, qui appartient à « l’armée du vol », selon les termes des journaux de l’époque, avait longuement prémédité son expédition. L’enquête révèle que Maurice Berland et Raymond Guignard sont les instigateurs de ce « mauvais coup », Jahier, un simple exécutant et Lévy, le chauffeur qui conduisit la bande de Paris à Saint-Léger. Au cours de leur procès qui se tient au palais de justice de Poitiers le 23 février 1948, Berland et Guignard sont condamnés respectivement à huit et sept années de travaux forcés ; Jahier et Lévy à six et quatre ans de prison.

Sources : L'Avenir de la Vienne
Illustration : Caricature des quatre accusés (L'Avenir de la Vienne)

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