mercredi 9 avril 2008

Le botteleur de Mouhers

Le 9 juin 1887, Jacques Richer, réputé dans le département pour son immense fortune, dîne dans la cuisine de sa demeure du Couvent du Plaix, près de Cluis. L’homme de 85 ans est accompagné de ses deux domestiques, Jacques Thavereau et la veuve Marie Brisse, âgés d’une cinquantaine d’années. Vers 20h30, quelqu’un demande à parler au propriétaire des lieux. Marie Brisse le reconnaît immédiatement. Il s’agit du même homme qui est venu la veille négocier la vente de bottes de paille. Il s’est présenté comme étant un botteleur de Mouhers. A peine a-t-elle le temps de le renseigner qu’elle s’effondre inanimée sur le sol. Elle vient de recevoir un terrible coup de masse sur la tête. Ainsi débute l’une des plus retentissantes affaires criminelles qu’ait connue le département de l’Indre au cours du XIXème siècle.

Lorsque la veuve Brisse recouvre enfin ses esprits, un corps est allongé près d’elle. C’est celui de son maître. Il a reçu plusieurs coups au visage. Sa respiration est faible. Dans un instinct de survie, Marie se lève et ferme le verrou de la porte d’entrée. « Enfin sauve » se dit-elle. Au dehors, une lutte terrible fait rage entre Thavereau et le botteleur. Ne pouvant plus contenir les coups de son adversaire, le domestique hurle désespérément pour que Marie le laisse entrer. Elle hésite un instant et ouvre finalement la porte. Thavereau se précipite à l’intérieur. Les deux domestiques unissent leurs efforts pour tenter de se barricader mais l’inconnu passe son bras et pénètre à son tour. Pendant qu’il achève le pauvre domestique à coups de masse, Marie en profite pour s’enfuir aussi vite que lui permet sa terreur. Elle parvient à donner une tardive alarme dans le hameau voisin. Un effroyable spectacle s’offre alors aux personnes arrivées sur le lieu du drame. Thavereau gît sur le sol, méconnaissable. Il a le crâne éclaté. Richer, le visage ensanglanté, a succombé à ses blessures. Les gendarmes de Cluis, en charge de l’enquête, retrouvent facilement l’identité du criminel : il s’agit de Polyte Paviot. Bon travailleur, l’homme de 50 ans est estimé dans tout le « pays ». Depuis la mort de sa femme, il a été obligé de vendre ses terres pour pouvoir survivre. Cette situation de plus en plus précaire devait le pousser à convoiter une partie des écus qu’il savait si abondants au Couvent du Plaix. De la pensée à l’exécution, il n’y a souvent qu’un pas minime à franchir, pas devant lequel Paviot n’a pas eu la force de résister. Paviot est arrêté le soir même dans un cabaret de Mouhers. Les restes calcinés du portefeuille de la victime, ainsi que la somme de 12 000 francs sont découverts à son domicile.

Le procès d’Hyppolite Paviot se déroule à Châteauroux les 9 et 10 septembre 1887. Une foule considérable s’est précipitée sur les marches du palais de justice. Chacun souhaite apercevoir les traits de celui que l’on surnomme le « Botteleur de Mouhers ». Mais l’homme qui pénètre dans le prétoire ne ressemble plus à celui qui a été arrêté quelques mois auparavant. Depuis son incarcération, Paviot s’est laissé pousser la barbe et paraît avoir vieilli de plusieurs années. A la fin de débats largement rapportés par la presse locale et régionale, Paviot est condamné à mort. Le 18 novembre 1887, à 7h, l’accusé est amené sur la place du palais de justice de Châteauroux. A la vue des « bois de justice », il est pris d’un tremblement convulsif. On l’étend sur la planche. Un cri terrible s’échappe des poitrines des spectateurs. Justice est faite.

Source : Le Journal du département de l'Indre
Illustration : Dessin de l'exécution de Paviot à la une du Journal du département de l'Indre

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