mercredi 9 avril 2008

Le crime de Mézières

Le 3 mars 1911, une silhouette traverse le village de Mézières-en-Brenne, menottes au poignet. Les habitants, qui viennent d’apprendre l’assassinat de l’un des leurs, se jettent sur le meurtrier. Il faudra toute la vigilance des gendarmes pour que l’accusé ne périsse pas dans ce règlement de compte. Son identité est vite révélée : il s’agit d’un vagabond de 43 ans dénommé Auguste Lepron

Auguste Lepron fait partie de ce que l’on appelle les « remues d’hommes ». Fils d’un arracheur de dents, il passe son enfance à courir le pays, de foire en foire, à bord d’une roulotte bigarrée. A 21 ans, il rattrapé par l’armée et effectue son service militaire. Préférant la vie de « chemineux » à celle de soldat, l’homme déserte au bout de 21 mois et reprend la route, exerçant l’activité de raccommodeur de faïence. Arrêté à Barbezieux, il est condamné à deux ans de prison pour désertion. Sa peine accomplie, il se rend à Mézières-en-Brenne où sa sœur, Prudence, s’est établie. Elle est mariée à un propriétaire aisé et respecté, Alphonse Fauguet, qui habite une maison coquette avoisinant l’église. Dans une société largement rurale, où la terre est sacralisée, les existences déambulatoires inquiètent. Pourtant, l’honnête homme accueille son beau-frère à bras ouverts.

Lepron reste trois années dans la Brenne avant que la nostalgie de la grand’route poussiéreuse ne le reprenne. Il se fabrique une roulotte tirée par une meute de chiens et bat de nouveau le pavé. Les pérégrinations du vagabond se dévoilent au fur et à mesure de ses condamnations : deux mois de prison en 1905 à Saint-Jean-d’Angély pour coups et blessures ; peine identique cinq ans plus tard à La Flèche pour vol, mendicité, outrages et rébellions ; huit jours d’emprisonnement à Tours pour mendicité et enfin, le 7 janvier 1911, quatre jours de prison à Châteauroux pour le même délit. A sa sortie de prison, dénué de ressources, il échoue une nouvelle fois à Mézières.

Dans la soirée du 3 mars 1911, l’attitude d’Auguste Lepron inquiète. Depuis plusieurs heures, il semble nerveux et tourne en rond dans toute la maison. Soudain, l’homme entre brutalement dans le salon où se trouve Faguet, assis dans un fauteuil. Il sort un poignard et frappe son beau-frère à sept reprises. Alertée par les bruits de lutte, Prudence pénètre à son tour dans la pièce. Elle parvient à faire sortir son frère qui se rend sans résistance à un voisin et ne peut que constater, impuissante, le décès de son mari. Lepron expliquera aux gendarmes que le fusil qui était habituellement accroché dans le vestibule avait disparu. Pour des raisons inexplicables, il s’était mis en tête que son beau-frère voulait le tuer. C’est en fait la domestique qui avait déplacé l’arme pour la nettoyer. Le procès d’Auguste Lepron s’ouvre à Châteauroux le 12 juin 1911. Au cours de débats qui paraissent jouer d’avance, l’avocat de la défense tente, en vain, de faire passer son client pour un aliéné. Lepron est finalement condamné aux travaux forcés à perpétuité.



Sources : Le Journal du département de l'Indre
Illustrations : Archives départementales de l'Indre


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