jeudi 10 avril 2008

Le crime de Pont-Achard

Le 17 janvier 1929, le concierge d’un immeuble du boulevard Pont-Achard à Poitiers quitte son travail pour satisfaire un besoin pressant le long d’un mur. Il est interrompu par la vision d’un cadavre de femme dissimulé derrière du matériel de goudronnage. La victime porte des traces de strangulation. Son visage est tuméfié. Ses jupes sont relevées et ses affaires éparpillées çà et là sur le sol. Les policiers arrivés sur les lieux mettent rapidement un nom sur le corps sans vie : il s’agit de Marie Pécourt, veuve Bernard, âgée de 57 ans, plongeuse depuis huit mois au restaurant du Buffet de la Gare.

A l’aide de plusieurs témoignages, les enquêteurs arrivent à retracer les circonstances du crime. La veille, vers vingt heures, la femme Pécourt, à qui il arrivait quelquefois de « trop fêter la dive bouteille », s’était attablée au restaurant avec trois jeunes hommes dont un soldat algérien du 9ème régiment des trains. Vers 21 heures, la plongeuse quitta le bistrot. Le militaire l’aurait suivi peu de temps après. Les gendarmes se rendent immédiatement à la caserne des Dunes et fouillent tous les paquetages des soldats marocains et algériens. Dans celui d’un certain Chérif Antar, une veste maculée de sang est découverte. Le tirailleur de 28 ans, originaire d’Oran, a également du sang sur son bras, dans ses oreilles et sur sa chemise. Le reste de ses vêtements, qu’il avait tenté de nettoyer, est lui aussi recouvert de traces suspectes de sang et de goudron. Le professeur Bodroux, mandé par la justice, établit au cours de ses expertises que le goudron retrouvé sur les vêtements de la victime et sur ceux du militaire sont identiques. Le tenancier du restaurant, M. Brichet, reconnaît formellement le suspect comme le soldat ayant bu, la veille, avec la femme Pécourt. Devant ces preuves accablantes, Chérif Antar avoue avoir eu des rapports sexuels avec la victime. Il ajoute qu’elle était consentante, lui ayant donné un « coup d’œil » au cours de la soirée. Il reconnaît avoir porté ses mains autour de ses épaules pendant leurs ébats. En revanche, il nie avoir tué et volé la malheureuse. Il devra répondre de ses actes devant la cour d’assises de la Vienne.

Le procès de Chérif Antar s’ouvre à Poitiers le 17 mai 1929. L’accusé, comprenant mal le français, est assisté d’un interprète. Tout au long de l’audience, le soldat clame son innocence. Pour sa défense, il déclare qu’il y a beaucoup de bandits à Poitiers et que le soir du crime, il était « saoul comme un mort ». Son avocat, Me Baelde, insiste sur la triste vie de son client que l’on a arraché à son pays à l’âge de 20 ans pour l’envoyer dans la métropole dont il ignorait les mœurs et la civilisation. Il réclame pour « ce sauvage, ce déraciné », selon ses propres termes, l’indulgence des jurés. Après une demi-heure de délibérations, Chérif Antar est reconnu coupable de meurtre. Les accusations de viol et de vol sont rejetées faute de preuves suffisantes. Le militaire est condamné à quinze ans de travaux forcés et d’interdiction de séjour.

Sources : L'Avenir de la Vienne
Illustrations : Photo de l'accusé parue dans L'Avenir de la Vienne

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