jeudi 10 avril 2008

Les démons de frère Climaque

Au XIXème siècle, n’étant pas considérés par leurs voisins ou leurs juges comme des criminels, peu de violeurs sont regardés comme des personnages abjects. Il faut que les affaires les incriminant s’accompagnent de circonstances exceptionnelles pour qu’enfin apparaissent l’horreur et le dégoût. L’histoire sordide qui se déroule à Saint-Savin en 1861, permet à la population poitevine de découvrir ou plus exactement de redécouvrir que des violences sexuelles peuvent avoir lieu à l’intérieur d’établissements scolaires, notamment au sein des écoles chrétiennes.

Vincent Bellier, dénommé en religion frère Climaque, est seulement âgé de 16 ans lorsqu’il entre comme instituteur à l’école communale de Saint-Savin. Malgré son jeune âge, le frère de l’Instruction chrétienne de Saint-Gabriel est chargé seul de la classe des petits, le directeur de l’école, frère Norbert, ayant lui-même la responsabilité, dans un appartement séparé, d’un groupe d’élèves. Au mois de juillet 1861, un écolier fait une déclaration troublante à frère Norbert. Il aurait surprit, au milieu d’un groupe de quatre garçons, frère Climaque s’adonnant à des pratiques perverses sur l’un d’entre eux. Le directeur, ayant effectivement remarqué que son auxiliaire se permettait des familiarités suspectes avec des enfants, préfère ne pas ébruiter l’histoire, d’autant plus que les vacances approchent. A la rentrée, frère Climaque, fort de cette impunité, continue à s’adonner sans aucune retenue à son honteux penchant. Pour obtenir la discrétion de ses jeunes victimes, il les menace de la prison. Ce sont finalement les révélations de Louis Berthon qui vont mettre fin à cet odieux stratagème.

Questionné par sa mère qui avait remarqué un changement dans son attitude, le garçon de 8 ans avoue avoir été victime d’actes immoraux de la part de son instituteur. Révoltée, la mère Berthon se plaint immédiatement auprès du directeur de l’école. Après plusieurs hésitations et une correspondance affolée avec son supérieur, celui-ci prend finalement la défense de frère Climaque. Pour éviter tout scandale, son établissement étant fréquenté par les enfants des « meilleures familles de la ville », le directeur invite le violeur présumé à quitter Saint-Savin, ce qu’il fait le 15 octobre. Probablement sur une nouvelle dénonciation de la mère Berthon, cette histoire arrive aux oreilles du juge d’instruction de Montmorillon cinq jours plus tard. Ce que craignait le directeur de l’école finit par arriver. L’enquête est portée sur la place publique. Pendant deux jours, un long défilé d’enfants se succède dans l’école afin d’être interrogés par l’homme de loi. Sept d’entre eux, âgés de 7 à 10 ans, révèlent avoir subi des attouchements de la part de frère Climaque. Choqué, le directeur écrira son supérieur la missive suivante : « Toute la ville a été témoin de cette scène. Oh ! mon Dieu. Je n’ose plus interroger les enfants de peur d’apprendre d’autres informations terribles ».

Frère Climaque est arrêté le 22 octobre à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Pour sa défense, il déclare avoir déboutonné les enfants uniquement pour les aider à faire leurs besoins. Son procès se déroule à huis clos à Poitiers, le 29 novembre 1861. L’accusé est condamné (seulement) à six ans de prison. Cette même année, un scandale identique éclabousse la ville de Châtellerault. Un religieux, frère Bernard, appartenant également à la congrégation des Frères de l’Instruction chrétienne de Saint-Gabriel. Il sera condamné à une courte peine de prison.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1648
Illustration : Dessin de Jossot dans l'Assiette au Beurre

Aucun commentaire: