lundi 14 avril 2008

Parricide et fratricide à Beaumont

« Toute la partie postérieure de la tête présente des fractures multiples. On trouve de la substance cérébrale lacérée et réduite en bouillie. La victime a succombé aux violences barbares qui ont été exercées sur son crâne ».

De semblables descriptions suscitent l’effroi. L’auteur de cette abomination, qui s’est acharné sur les corps de son frère et de sa mère, ne saurait se confondre avec les criminels ordinaires. L’exacerbation de la haine, la brutalité du geste lèguent à cet homme l’appartenance à une catégorie hors du commun que d’aucuns qualifient de « monstres ».

Depuis plusieurs années, André Lacroix, tisserand de Beaumont, est convaincu que les membres de sa famille se sont coalisés contre lui en le lésant au cours d’un partage familial. Obnubilé par ce sentiment d’injustice, il décide de tuer son frère Vincent. Plus d’une fois, il avait manifesté son désir de vengeance à des proches et des voisins ; mais tous firent la fatale erreur de ne pas le croire capable d’un tel acte. Le 13 octobre 1853, André Lacroix, armé de son fusil, se rend au domicile de ses parents dans l’espoir de rencontrer son frère. L’ayant aperçu près de la grange, il s’élance vers lui :

- « Notre mère m’a demandé de nous arranger ensemble. Veux-tu changer ton héritage avec le mien ? » demande-t-il ».
- « Nous ne jouissons pas des biens de nos parents. Ils ont bien le temps de tout manger avant de mourir ».
- « Gredin, tu mériterais que je te brûlasse la cervelle ! »
- « Quand tu voudras ».

Sur cette dernière parole, André « au comble de la colère », pour reprendre les termes du juge d’instruction, se saisit de son arme, couche son frère en joue et fait feu. Le coup, tiré presque à bout portant, atteint Vincent en pleine poitrine et le projette sur un tas de fumier. La rage meurtrière de l’accusé ne cesse de croître. Il s’approche de sa victime, appuie le canon de l’arme contre sa joue et décharge un second coup. Alertée par les détonations, leur mère sort de la maison et se précipite vers le lieu du drame. Voyant André, son fusil à la main, elle se doute qu’un grand malheur vient d’arriver :

- « Mon cher enfant, que viens-tu de faire ? » s’écrie-t-elle.
- « Vieille garce, je vais t’en faire autant », rétorque-t-il.

Au même instant, André prend son fusil par la crosse et fracasse son arme sur la tête de la vieille femme. Tentant de s’enfuir, la malheureuse est achevée par son bourreau qui l’assaille de coups alors que celle-ci, écroulée sur le sol, avait déjà cessé de vivre. Devant l’arrivée de plusieurs voisins attirés par les cris, André Lacroix parvient à regagner son domicile. A peine a-t-il franchi le pas de la porte qu’il embrasse pour la dernière fois sa femme et sa fille. « Ils vont venir m’arrêter. Je suis pendu » dit-il avant de s’enfuir. André Lacroix est finalement arrêté le lendemain dans un wagon de la gare de Poitiers. Le 29 novembre 1853 s’ouvre à Poitiers le procès d’André Lacroix. Face à la double accusation de parricide et de fratricide, l’avocat de la défense ne peut miser que sur le gain des circonstances atténuantes pour sauver la tête de son client. Après seulement quinze minutes de délibération, le verdict tombe : André Lacroix est condamné à la peine de mort. Son pourvoi en cassation rejeté, il est exécuté sur la place publique de Poitiers le 19 janvier 1854.

Sources : Archives départamentales de la Vienne, 2 U 1617
Illustration : Plan de la scène de crime retrouvée dans le dossier



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