lundi 14 avril 2008

Qui a tué "Le Bouif" ?

« Serait-ce une série de crimes ? », s’interroge L’Avenir de la Vienne dans son édition du 27 janvier 1929. En effet, une semaine seulement après le meurtre du boulevard du Pont-Achard à Poitiers, un nouveau et horrible forfait frappe cette fois le village de Lavausseau. Au milieu de la paisible bourgade s’élève une maison seule, un peu en retrait, qui est connue dans tout le pays comme appartenant au « Bouif ». C’est par ce surnom que l’on désigne Désiré Cacault. Ce personnage original de 54 ans, facilement reconnaissable à son pied-bot et sa main mutilée, à la fois débitant, sabotier, cordonnier, coiffeur, a la réputation d’être très économe. « On t’étranglera ben quelque jour », plaisantent les clients qui viennent lui acheter quelques produits ou se faire raser.

Le vendredi 25 janvier, Firmin Cacault est inquiet. Cela fait trois jours que les volets de la maison de son frère Désiré sont clos. Pris d’un mauvais pressentiment, il pénètre dans la demeure par la fenêtre du premier étage. Dans la pièce qui sert d’établi de cordonnier, il aperçoit le corps de son frère, gisant sans vie, sur un amas de morceaux de cuir. Le visage de la victime est affreusement mutilé, le front est fendu sur onze centimètres et la poitrine porte les traces d’un piétinement furieux. Les tiroirs d’un buffet contenant la caisse ayant été fracturés, les gendarmes, arrivés sur les lieux, établissent le vol comme mobile du meurtre. Des empreintes digitales relevées sur une chopine, une bouteille et le tiroir fracturé constituent les seuls indices laissés par le meurtrier. Parmi les pistes suivies, celle d’un ouvrier polonais, Joseph Chmielowiec retient l’attention des enquêteurs. L’homme de 28 ans, doué d’une force extraordinaire, a été aperçu rôdant dans les alentours. Il est fortement endetté. Longuement interrogé par les gendarmes, l’ouvrier fournit des alibis plausibles et se défend avec une ardeur telle que l’on croit à un moment à son innocence. Le dénouement de cette affaire intervient finalement le 8 février suivant. Les services de l’Identité Judiciaire de Paris établissent que les empreintes digitales retrouvées sur la bouteille et le verre appartiennent à Chmielowiec. Celles relevées sur le tiroir sont inutilisables. Malgré plusieurs interrogatoires serrés, aucun aveu ne sera arraché de la bouche du suspect.

Le 26 novembre 1929, jour du procès, la presse s’émeut devant cet homme qui n’a jamais laissé apparaître la moindre défaillance. Les journalistes espèrent que les moyens scientifiques utilisés, qui prouvent seulement que l’ouvrier polonais a bu un verre avec la victime, sont bien à la hauteur de l’enjeu du procès. La plaidoirie remarquable de l’avocat de la défense, Me Masteau, et l’attitude de Joseph Chmielowiec, qui clame son innocence, parviennent à semer un léger doute dans l’esprit des jurés. Joseph Chmielowiec est reconnu coupable de meurtre et de vol mais obtient les circonstances atténuantes. Il est condamné à dix ans de travaux forcés et vingt ans d’interdiction de séjour.

Sources : L'Avenir de la Vienne
Illustration : Photographie de l'accusé publiée dans l'Avenir de la Vienne

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