jeudi 10 avril 2008

Un cadavre dans la cave

Le mercredi 27 février 1861, un appel à l’aide met la cité de Loudun en émoi. Les cris proviennent de la rue Venelle-des-Murs. Une femme, le visage ensanglanté, la main posé sur son cou, n’arrête pas de hurler : « Au secours ! Au voleur ! ». C’est Marie Vautier, l’épouse d’un cabaretier. On a voulu l’assassiner. Alertés par les cris, des voisins accourent et demandent ce qui s’est passé.

Reprenant ses esprits, la femme raconte la scène : un homme d’une cinquantaine d’années est assis à une table. Il est le seul client de la taverne. Il semble très agité. Régulièrement, il regarde dehors pour vérifier que personne ne passe. Pendant ce temps, Marie Vautier lave du linge. A genou sur le sol, la femme se sent soudainement saisi par la gorge. L’inconnu, sans proférer la moindre menace, lui comprime la bouche d’une main et de l’autre lui enfonce un instrument piquant d’une longueur de 9 cm dans le cou. Dotée d’une énergie hors du commun, Marie Vautier se relève rapidement. Elle porte sa main sur sa blessure et enlève d’un geste brusque l’arme enfoncée dans sa gorge. Elle sort de chez elle et c’est alors qu’elle se met à appeler de l’aide. Effrayé de voir sa victime toujours vivante, l’homme saute par la fenêtre et s’enfuit par le jardin. Les gendarmes arrivent rapidement sur les lieux. Après avoir enregistré la déposition de la victime, ils se lancent à la recherche de l’agresseur.

L’homme est découvert peu de temps après, attablé dans un autre cabaret. Interrogé, le suspect dit s’appeler Charles Talbot. Il soutient avec fermeté qu’il n’est pas l’auteur de cet acte odieux. Lorsque les enquêteurs constatent que les traces de pas laissées dans le jardin de la victime correspondent à celles de ses chaussures, Talbot reconnaît les faits. L’affaire semble close… Pourtant, dès l’annonce de son arrestation, une rumeur accuse Talbot d’un autre crime. Sa concubine, Marie-Rose Gaudin, aurait mystérieusement disparu vers le milieu du mois de janvier. Interrogé sur ce départ inexplicable, l’homme raconte qu’elle est partie pour Châtellerault. On demande alors à Talbot de décrire les vêtements qu’elle portait au moment de son soi-disant départ. Les habits sont finalement retrouvés chez un marchand de fripes. L’homme qui les a vendus est clairement identifié : c’est Charles Talbot. A cours d’arguments, le prévenu avoue ce nouveau forfait : c’est dans la soirée du 10 janvier, excédé des reproches faits par sa concubine, qu’il se met à la rouer de coups. La femme tombe sur le sol, inanimée. Talbot lui assène alors un coup de couteau dans la gorge. Puis, dans un mouvement de fureur, il lui ouvre le ventre avec son poignard. Le corps mutilé de Marie-Rose Gaudin est retrouvé par les autorités enterré dans la cave de l’accusé.

Le procès de Talbot s’ouvre à Poitiers le 23 mai 1861. L’homme joue très clairement sa tête. Devant la bestialité des actes commis, le procureur général réclame la peine capitale. Malgré une plaidoirie éloquente de l’avocat de la défense, le jury rend un verdict positif. Talbot est condamné à mort. Son pourvoi en cassation est rejeté le 13 juin 1861. Il est guillotiné le 1er juillet 1861, à 4h40, sur la place du Pont Guillon près de la porte de Paris.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1647
Illustration : Plan de la scène du crime conservé dans le dossier d'assises

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