mardi 6 mai 2008

Bataille rangée dans les bois de Saint-Pierre-de-Maillé

Autour de Saint-Pierre-de-Maillé existent de nombreux bois et garennes réputés pour l’abondance de leur gibier. La pratique du braconnage y est tellement régulière qu’une légende est même apparue autour de cette pratique illégale. Une association de braconniers, que l’on nomme La Compagnie du Soleil, sévirait dans les chasses du département. Ses membres, masqués ou déguisés d’une tunique jaune et accompagnés d’un gros chien noir, menaceraient de tuer quiconque se dresserait sur leur passage.

Légende ou non, le 26 décembre 1894, lors de la foire de Pleumartin, les nommés Thibault et Leroux, cultivateurs à Vicq-sur-Gartempe, Joubert dit L’Amour, ancien soldat de 1870, Degenne, commis-voyageur, Seigneurioux et Gonneau décident d’organiser une partie de chasse illégale autour de Saint-Pierre-de-Maillé. Ce n’est pas la première fois que les six compagnons parcourent la lande pour y prendre du gibier. Certains d’entre eux, comme Seigneuroux, déjà condamné à douze reprises, sont de véritables braconniers professionnels. Le lendemain, vers 14h, tous se retrouvent au hameau des Six Maisons. Pour ne pas être reconnus des gardes-chasse, Thibault a revêtu une fausse barbe, Degenne est dissimulé sous une casquette et Leroux porte un masque jaune en osier. Les chasseurs débutent leur battue. Une heure plus tard, deux gardes-chasse, Ridet et Dubois, sont alertés par des aboiements inhabituels. Les deux « sentinelles » sont d’autant plus vigilantes, qu’il y a un mois, au cours de l’affaire de la Roche-de-Bran, les jurés de la cour d’assises de la Vienne ont acquitté des braconniers qui avaient violenté plusieurs de leurs confrères. Un esprit de vengeance les anime donc.

Après avoir filé les délinquants pendant plus d’une heure, les deux gardes surprennent, au carrefour des Sangliers, Thibault et Joubert le fusil en bandoulière. « Halte là ! Vous chassez sur un terrain réservé », s’écrie Ridet. Le garde s’approche de Thibault, se saisit du canon de son arme et lui demande son identité. Ne voulant pas risquer un procès-verbal, Thibault s’y refuse. Excédé, Ridet tente alors d’ôter la fausse barbe du braconnier lorsqu’un coup de feu retentit. Volontairement ou non, Thibault a appuyé sur la gâchette. Ridet s’écroule sur le sol, indemne. Il a été sauvé miraculeusement par son insigne. Le garde-chasse se saisit de son fusil et riposte immédiatement. Son compagnon, Dubois, lui vient en aide et blesse grièvement Thibault à la poitrine. Le terrain de chasse se transforme alors en un véritable champ de bataille. Alertés par les détonations, les autres braconniers accourent et dégainent à leur tour. Les balles fusent de toute part et lorsque les canons sont vides, c’est à coups de crosse que l’on termine le travail. Parmi les blessés, on compte Joubert qui a les deux mains transpercées, Dubois qui a reçu près de 50 grains de plomb dans la tête, les épaules et les mains, et enfin Thibault, qui succombera à ses blessures quelques jours plus tard.

Tous les protagonistes de cet épisode sanglant se retrouvent au palais de justice de Poitiers, le 12 février 1895. Ils doivent répondre aux accusations de meurtre et tentatives de meurtre. Le jury, qui n’a pu départager les deux camps, rend un verdict négatif. Tous ressortent libres du tribunal.

Sources : L’Avenir de la Vienne
Illustration : Dessin de F. Vallotton. « Crimes et châtiments » dans L’Assiette au Beurre de 1902. "Il est mort entendu. Mais, était-il ou non sur ma terre!..."

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