vendredi 4 mars 2011

Il tire sur son père indigne

A l'occasion de Châtellerault mène l'enquête, voici une affaire sortie des archives. 

Début des années 1910, à Châtellerault. Les époux Planchon, âgés tous les deux d'une cinquantaine d'années, sont mariés depuis vingt-huit ans. Jules, le mari, est ferblantier (vend des articles en fer blanc) tandis que sa femme, Marcelle, tient une boutique de mode au rez-de-chaussée de la maison familiale, au n°9 de la rue Noire. D'année en année, l'harmonie au sein du couple n'a cessé de se dégrader. Jules, qui abuse un peu trop de la bouteille, est devenu brutal envers sa femme et ses deux enfants. Ayant une maîtresse, il délaisse peu à peu le domicile conjugal, ne réapparaissant que pour réclamer de l'argent et ainsi éponger les nombreuses dettes qu'il a contractées. Lors de l'hiver 1912, ses ardoises sont tellement importantes, que la famille est sur le point d'être explusée. Désespérée, Marcelle Planchon introduit une action en séparation de corps. Mais la situation ne s'arrange guère. Jules, incrontrôlable, certifie qu'il reviendra tuer sa femme si celle-ci ne se remet pas rapidement en ménage.

Une autre personne supporte de moins en moins les frasques de Jules Planchon. Il s'agit de son fils, Gaston, âgé maintenant de 18 ans. Fort de son nouveau rôle "d'homme de la maison", il n'a plus qu'une seule idée en tête : mettre sa mère et sa soeur à l'abri des violences de cet homme qui n'a jamais assumé ses rôles de père et d'époux. La nuit du 10 février 1913 est celle de trop. Jules Planchon, ivre et endetté, tambourine une nouvelle fois à la porte de son ancien domicile. Ayant toujours les clés en sa possession, il pénètre dans la demeure. Alors que Marcelle et sa fille se précipitent à l'étage pour se mettre à l'abri, Gaston se dissimule dans l'escalier, un revolver à la main. Il attend le bon moment pour se débarasser du seul obstacle au bonheur des siens. Jules apparaît enfin. Il se prépare à monter lorsque deux coups de feu l'atteignent en pleine poitrine et le projettent en arrière. Dans sa fuite, il reçoit encore deux projectiles dans le cou et le dos. Il ne sera que légèrement blessé. Gaston, qui déclare aux gendarmes ne pas regretter son geste, est renvoyé devant la cour d'assises de la Vienne.

L'enjeu du procès est important. Gaston doit répondre du crime de parricide, puni de la peine de mort. La veille du procès, le 12 février 1914, la presse poitevine s'interroge : "A-t-on réellement affaire à un crime de parricide ? Peut-on appeler un père celui qui se conduit comme l'a fait Jules Planchon envers sa famille ?". Dans l'esprit des jurés, les réponses à ces questions sont sans équivoque. Dans un procès dont l'issue semble être jouée d'avance, Gaston Planchon est acquittée, la violence et la vie de débauche de son père excusant largement son geste.

Sources : Le Journal de la Vienne
Illustration : La Manufacture d'armes de Châtellerault (parce que j'aime bien...)

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