dimanche 11 mai 2008

Le crime d'Orches

Le dimanche 25 février 1912, la fête du village d'Orches, qui réunit toute la jeunesse du pays, est subitement interrompue. On vient prévenir le jeun Abel Boutaud, 16 ans, que la maison de son père est la proie des flammes. Sur place, le garçon ne peut que constater, impuissant, l'étendue du sinistre. Dans les décombres encore fumantes, le corps entièrement carbonisé de son père, Auguste, est retrouvé. La tête du fermier de 57 ans est totalement momifiée, ses jambes et ses bras ne mesurent plus que quelques centimètres.

Des voisins ayant déclaré aux gendarmes que la victime faisait régulièrement des malaises, la thèse de l'accident est privilégiée. L'homme, qui était en train de se chauffer près de la cheminée, a dû tomber dans le foyer suite à une syncope et a, par conséquent, occasionné l'incendie. Dans les alentours, cette version de la mort accidentelle ne fait pas l'unanimité. Les racontars vont bon train et la rumeur commence à parler d'un crime. Elle est alimentée par les membres de la famille de la victime qui n'arrivent pas à mettre la main sur les deux fusils de celle-ci. Les armes lui avaient été données deux mois auparavant par un certain Emmanuel Rabier, en garantie de dette. Comme plusieurs habitants semblent avoir vu rôder le domestique âgé de 20 ans autour du domicile de Boutaud le jour du drame, un mandat d'arrêt est lancé. Le suspect est arrêté à Oyré, le 24 mars suivant. Lors de son interpellation, les gendarmes trouvent en sa possession un flacon contenant un reste d'essence minérale. Une enquête est immédiatement ouverte. Le corps d'Auguste Boutaud est exhumé afin de procéder à une autopsie. Les conclusions établissent que les causes de la mort ne sont pas dues à un malaise, mais à plusieurs balles, probablement tirées à bout portant, logées dans l'arrière du crâne et dans le dos.

Pressé de questions par les enquêteurs, Rabier finit par tout avouer. Le 25 janvier dernier, sa passion pour le braconnage étant trop forte, il s'est mis en tête d'aller récupérer ses fusils coûte que coûte. Après avoir blessé Boutaud d'un coup de serpe, le jeune homme l'a achevé sans aucune pitié avant d'effacer, dans la fournaise, toute trace de son passage. Le procès d'Emmanuel Rabier s'ouvre à Poitiers le 15 mai 1912. L'homme qui se présente dans le prétoire est, selon les journalistes, petit, trapu et d'une physionomie simiesque. Devant répondre aux crimes d'incendie volontaire, de meurtre avec préméditation et de vol, l'accusé risque la peine de mort. Lors de son interrogatoire par le président des assises, c'est avec un sang-froid effrayant que Rabier relate l'ensemble des faits. Aucun remord ne transparaît dans sa voix. Du fait de son âge et d'une plaidoirie remarquable de son avocat, les jurés accordent les circonstances atténuantes. Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Sources : L'Avenir de la Vienne
Illustration : Le bagne de l'Ile de Ré

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