mardi 20 mai 2008

Le mari cocu tue son épouse

Le 17 juillet 1887, alors que l'on célèbre encore la Fête nationale dans le village du Bournand, une détonation se mêle aux bruits des pêtards. Jean Ferrand, garde-champêtre de 53 ans, sort de chez lui en s'écriant : "Ah quel malheur ! Ma femme vient de se suicider avec un fusil !" Immédiatement, plusieurs habitants pénètrent dans la demeure et découvre Joséphine Ferrand étendue sur son lit, la poitrine couverte de sang.

Une carabine, encore fumante, est placée à côté d'elle. Bien que grièvement blessée, la couturière de 38 ans respire encore. Pendant les sept jours de son agonie, elle réunit ses dernières forces pour affirmer, avec la plus grande énergie, que les allégations de son mari sont fausses et qu'il a voulu la tuer ayant des doutes sur sa fidélité. L'enquête qui est alors ouverte confirme les dires de la défunte. Le médecin de Loudun qui procède à l'autopsie, affirme que si la femme Ferrand avait réellement voulu mettre fin à ses jours, le coup aurait obligatoirement été tiré à bout portant. Or, selon l'homme de l'art, la forme de sa blessure indique que le coup a été tiré à plus de 70 cm. Se sentant piégé, Jean Ferrand change son système de défense. Il déclare qu'ayant découvert les relations que sa femme entretenait avec un voisin, le sieur Guérineau, il était revenu, transporté de fureur, à son domicile. Après lui avoir adressé de vifs reproches, il la menaça de son fusil. Celle-ci se saisit du canon et dans les efforts qu'ils faisaient l'un et l'autre pour se l'approprier, le coup est parti tout seul. Peu convaincu par cette nouvelle version, le juge d'instruction en charge du dossier fait procéder à une expertise balistique. M. Goursaraud, armurier à Poitiers, reproduit dans des circonstances identiques, la scène du crime. Ses conclusions sont sans appel : le tireur devait se trouver à un mètre de la victime pour asséner une blessure similaire à celle constatée sur le corps de la femme Ferrand. Celle-ci ne pouvait donc pas tenir le canon de l'arme entre ses mains. La seconde version du garde-champêtre n'est pas plus crédible.

Le procès de Jean Ferrand se tient au palais de justice de Poitiers le 21 novembre 1887. Au cours de l'audience, l'accusé, qui ne cesse de pleurer, soutient qu'il n'a jamais eu l'intention de donner la mort à sa femme. Parmi les témoins appelés à la barre, l'amant, le sieur Guérineau, suscite la curiosité de l'auditoire. La presse locale ironise sur cet homme qui a excité la jalousie de l'accusé, le décrivant comme "un Lovelace voûté, la tête dégarnie, composée uniquement de cheveux blancs". Avouant avoir eu des relations adultérines avec la femme Ferrand, il se fait très largement réprimander par le président des assises. Malgré les preuves accablantes mises au jour lors de l'instruction, les jurés déclarent Jean Ferrand non coupable. Il ressort libre du tribunal, son honneur sauf.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1726
Illustration : En-tête de M. Goursaraud, l'armurier poitevin qui a procédé à l'expertise balistique

Aucun commentaire: