vendredi 2 mai 2008

L'expédition meurtrière de Jean Marsault

"La haine est un sentiment qui nous éloigne violemment de quelqu'un et qui nous porte à lui faire du mal". C'est ainsi que le Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle définit le sentiment haineux. L'affaire Marsault qui se déroule à Frontenay en 1873 en est une parfaite illustration.

Entre Jean Marsault, son fils et sa belle-fille qui partagent le même foyer, les querelles sont quotidiennes. Elles ont pour origine la donation au couple des terres du fermier de 62 ans à titre de rente viagère. Regrettant amèrement son geste, Jean Marsault accumule chaque jour une rancune de plus en plus farouche envers les siens. Celle-ci se déchaîne le 18 octobre 1873. Au cours d'un repas avec un voisin, Jean Marsault profère des menaces à l'encontre de son fils. "Si je pouvais le tuer, je chasserais cette charogne là de ma maison", confie-t-il avant de rentrer à la ferme. Echauffé par le vin, il s'en prend à sa belle-fille. Il l'accuse d'avoir caché sa serpe. Marie Marsault, qui a l'habitude des excès de son beau-père, lui assure qu'elle n'a jamais vu l'outil. Jean Marsault entre alors dans une colère folle. La jeune femme est effrayée. Elle s'enfuit de la maison et part se réfugier chez les Guillon, ses cousins, qui habitent non loin de là. Elle n'a pas le temps d'expliquer les raisons de sa venue. Marsault est déjà là, son fusil à la main. Sans que personne n'ait le temps de bouger, il met en joue et l'abbat froidement. Louis Guillon, le propriétaire des lieux, tente de désarmer Marsault. Le malheureux reçoit à son tour une balle en pleine poitrine. Il meurt une semaine plus tard des suites de ses blessures.

Le meurtrier ne compte pas en rester là. Il part retrouver son fils occupé aux travaux agricoles. A sa grande surprise, la personne en train de labourer n'est pas son fils mais le père de sa belle-fille, Pierre Rondeau. Que cela ne tienne, Marsault l'interpelle : "Que fais-tu là ?" - "Je laboure pour faire du blé", répond Rondeau penché sur sa charrue. "Tu n'en feras pas !". Au même instant, Marsault décharge à bout portant la dernière cartouche de son fusil. Rondeau s'en sortira. Déçu de ne pas avoir encore croisé son fils, Marsault fait demi-tour. Il se fait donner un peu de poudre et des plombs dans une ferme. A son arrivée, il est appréhendé par les gendarmes qui mettent fin à son expédition meurtrière. Face au juge d'instruction, l'accusé explique les raisons de sa folie : "Je reconnais avoir tiré sur ma belle-fille, elle m'avait fait mettre en colère. Pour Guillon, j'avais la tête égarée par la colère. Je ne lui en voulais point. Quand à Rondeau, je lui avais défendu de venir chez moi et de le voir labourer le champ de mon fils m'a contrarié".

Lors du procès qui se déroule à Poitiers les 26 et 27 février 1874, Marsault est condamné à la peine de mort. Son pourvoi en cassation étant rejeté, il est guillotiné la 10 avril suivant. Avant d'arriver près de l'échafaud, les gendarmes durent extraire Marsault de force de la voiture cellulaire. Le condamné ne cessait de supplier de lui laisser la vie sauve.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1692
Illustration : Plan de la scène du crime

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