vendredi 2 mai 2008

Pour les beaux yeux de Flora

Après avoir été homme de service à gages auprès d’un pharmacien de Poitiers, Ambroise Mothet se fait engager, le 24 juin 1870, comme domestique chez Eugène Balavoine, un marchand de nouveautés, installé rue du Marché. Le garçon de 20 ans a en charge la surveillance du magasin tôt le matin et au moment des repas. S’il donne l’apparence d’un employé modèle, en dehors de son travail, Ambroise a une fâcheuse habitude : il fréquente assidûment les maisons de tolérance de la ville.

Depuis quelques mois, ses excursions nocturnes le conduisent essentiellement vers la maison de passe Nazica, située au n° 2 de la rue du Gaz (le long de l’ancienne caserne militaire Rivaud) et plus particulièrement auprès de Marie Lemoine, dite Flora, une fille publique dont il est tombé amoureux. Pour impressionner la prostituée de 25 ans, Ambroise, qui n’a que très peu de moyens, ne peut résister à la tentation de se servir dans les réserves de la boutique. En effet, quoi de mieux que travailler dans une échoppe remplie de châles, de mouchoirs et autres cotonnades pour séduire une jeune femme. Qui plus est, ce n’est pas la première fois que le domestique use de ce stratagème. Il avait déjà dérobé, en toute impunité, chez son ancien employeur de l’eau de Cologne, une bouteille d’huile de foie de morue et des capsules de copahu pour se soigner d’une maladie infâme contractée suite à ses débauches. Le 1er juillet, Ambroise se décide à franchir le pas. Il s’empare d’une robe de mousseline blanche, de mouchoirs en toile et d’une paire de bas, qu’il offre à sa prétendante, le tout enveloppé dans un joli paquet. Puis, le 5 juillet, il se présente cette fois avec une longue pièce de calicot. Enfin, une semaine plus tard, c’est un morceau de douze mètres satin blanc qu’il déroule devant la fille de joie. Ce dernier présent, dont la valeur dépasse manifestement les ressources d’un simple domestique, éveille les soupçons de Flora. Sur les conseils de sa logeuse, qui ne veut pas avoir de problème avec la justice, elle choisit de rendre la pièce de satin à Ambroise qui la replace discrètement, quoique un peu froissée, dans la vitrine. Le subterfuge du jeune homme prend fin le 20 juillet, lorsque son patron Eugène Balavoine reçoit la visite d’un client mécontent. Ce dernier n’a toujours pas reçu la pièce de satin qu’il a commandée et surtout payée.

Les enquêteurs remontent rapidement jusqu’à Ambroise qui est non seulement renvoyé du magasin mais également devant la cour d’assises de la Vienne. Son procès s’ouvre à Poitiers le 22 août 1870. Malgré les bons sentiments de l’accusé et une plaidoirie émouvante de son avocat, Ambroise est condamné à cinq années de réclusion.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1682
Illustration : Papier à lettre à entête du magasin de nouveautés où a travaillé Ambroise

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