dimanche 4 mai 2008

Une odeur pestilentielle et deux cadavres

Le 27 mars 1849, Joseph Chaussebourg, marchand de galons demeurant à Saint-Sulpice, sur le territoire des Ormes, est condamné à six jours d'emprisonnement pour coups et blessures. L'homme, connu pour ses excès d'humeur et de boisson, s'était déchaîné pour des raisons obscures sur son voisin, Pierre Gendre qu'il laissa pour mort. Depuis ce jugement, Chaussebourg voue une haine féroce à l'encontre du couple. "Je tuerai le bonhomme Gendre et après j'ébouillanterai sa femme", répète-t-il sans cesse.

Le 1er septembre 1849, dès le lever du jour, un homme se traîne difficilement jusqu'à la maison de Joseph Gigault, tisserand à Saint-Sulpice. Les appels à l'aide réveillent l'artisan qui reconnaît Joseph Chaussebourg gravement blessé au cou. Alertés, plusieurs habitants du village se rendent immédiatement à son domicile. En entrant dans la maison, ils sont frappés par une odeur insoutenable. Chaussebourg, qui a eu le temps de se recoucher, est agonisant. Un corps gît à côté de lui. C'est celui de la femme Gendre. Son visage n'est plus qu'une masse ensanglantée. La jugulaire et l'artère carotide ont été tranchées. Dans une cave située à côté de la maison, le cadavre de Pierre Gendre est également retrouvé. Sa tête repose dans une mare de sang. "Le crâne est brisé, l'oeil gauche crevé et vide, le cerveau est déchiré", constate le médecin légiste. Le vieillard a été achevé avec une pelle en bois, retrouvée brisée en deux à proximité. Interrogé par le juge d'instruction, Chaussebourg raconte que le 28 août dernier, alors qu'il partageait sa soupe avec la femme Gendre, trois brigand sont entrés et leur ont réclamé de l'argent. N'ayant rien sur eux, deux des trois individus les ont frappés avec un couteau et une serpe. Le troisième s'est, quand à lui, occupé du père Gendre. Au cours de l'enquête, de nombreux éléments viennent contredire la fable racontée par le rescapé. La femme Gendre porte toujours des anneaux en or à ses doigts, ce qui démentit le mobile du vol. Les médecins remarquent que la blessure constatée sur Chaussebourg a été faite avec une serpe lui appartenant. L'homme a donc assouvi son désir de vengeance, sans qu'il soit possible d'en préciser exactement les phases, avant de simuler une agression.

Joseph Chaussebourg comparaît devant la cour d'assises de la Vienne le 28 février 1850. Comme lors de ses interrogatoires, l'accusé oppose les plus vives dénégations aux témoignages et aux conclusions de l'instruction qui l'accablent. Le jury rend un verdict affirmatif sur toutes les questions. Les circonstances atténuantes ne sont pas accordées. Chaussebourg est condamné à mort. Ses pourvois en cassation et en grâce sont rejetés respectivement les 4 et 30 avril avril suivants. Le 8 mai, une foule immense accourt très tôt près de la place du pont Guillon (à proximité de l'actuelle porte de Paris). A 7h21 précises, "les exécuteurs s'emparent de la victime. Quelques minutes après, la justice des hommes est satisfaite", conclut Le Journal de la Vienne.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1599
Illustrations : "Il faut guillotiner parce que... les robes des procureurs ont besoin de temps en temps d'être repeintes en rouge...", L'Assiette au Beurre, 1907.

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