lundi 23 juin 2008

Rivalité meurtrière à Saint-Martin l'Ars

En octobre 1878, Louis Caillaud, 26 ans, entre au service du sieur Mathieu, cultivateur au hameau de la Tangue, commune de Saint-Martin l’Ars. Non loin de là, habite la famille Beneteau dont la fille Marie, 21 ans, est l’objet d’une attention particulière de la part du jeune homme. L’éventualité d’un mariage est même évoquée. Mais, un autre prétendant nourrit les mêmes espérances. Il s’agit de Pierre Delage, dit « Boulanger », 33 ans, domestique à Mauprévoir.

Laborieux, économe, bon pour tous et surtout pour son vieux père dont il est l’unique soutien, Pierre Delage a su gagner la sympathie de tous ceux qui le connaissent et notamment de Marie et de ses parents. Le dimanche 14 mai 1879, Pierre et Marie passent la journée ensemble. Ils sont aperçus par Louis Caillaud qui travaille dans un champ non loin de là. La jalousie le ronge. A 20h, Pierre Delage quitte le hameau de La Tangue. Il est heureux. Au cours du dîner avec les membres de la famille Beneteau, il a été question d’une union avec Marie. Plusieurs personnes l’entendent même siffler et chanter à travers les brandes qui s’étendent le long du chemin d’Availles à Saint-Martin l’Ars. Pendant ce temps, Louis Caillaud s’est embusqué derrière des haies d’ajoncs au lieu-dit la Bourdache. Il attend le passage de son rival. Ce dernier arrive enfin. Caillaud ne peut supporter la joie qui se lit sur son visage. Il glisse une cartouche de chassepot dans le canon de son fusil. Un coup de feu retentit. Pierre Delage est atteint en pleine tête. La violence de l’impact a projeté le corps de l’homme sur le sol. Louis Caillaud sort alors de sa cachette et se précipite sur la victime allongée, sans connaissance, face contre terre. Persuadé qu’il ne lui reste que quelques instants à vivre, il s’empare de l’argent contenu dans son portefeuille. Le hasard veut que ce soit François Caillaud, le frère du meurtrier, qui découvre le lendemain à 4h30, le pauvre Pierre Delage baignant dans une mare de sang. Le malheureux est toujours en vie. La plaie qui lui ouvre la boîte crânienne sur plus 8 cm ne lui laisse aucune chance de s’en sortir. Pierre Delage est immédiatement questionné sur l’identité de son agresseur. « C’est ce chétif de la Tangue », dit-il avant de rendre son dernier soupir. Arrêté, Louis Caillaud clame son innocence. Il est finalement confondu par la bourre du fusil, faite avec une enveloppe au nom de sa mère, retrouvée sur le théâtre du crime.

Le procès de Louis Caillaud s’ouvre à Poitiers le 30 mai 1879. Lors des débats, l’accusé se renferme dans un mutisme absolu. Poussé dans ses derniers retranchements par le président des assises, Louis Caillaud déclare avoir uniquement voulu faire peur à son rival. « Mais en le voyant tomber, vous ne lui portez pas secours, vous l’abandonnez toute la nuit par un froid glacial », lui fait alors remarquer l’avocat général. Louis Caillaud est condamné à 20 ans de travaux forcés assorti de 10 ans de surveillance pour assassinat suivi de vol. Il est envoyé au bagne en Nouvelle-Calédonie. Il est réhabilité par la Cour d’appel de Nouméa le 31 décembre 1915.


Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1707
Illustrations : Plan de la scène du crime et carnet de militaire de l'accusé
Merci à Michèle Laurent pour les informations sur les bagnards

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