lundi 16 juin 2008

Tentative d'empoisonnement à Saint-Julien l'Ars

Depuis quelques temps, François Clerté, propriétaire à la Périnière, commune de Saint-Julien l’Ars, a émis le projet de partager l’ensemble de ses biens avec ses deux filles, Marie Jébouin et Louise Massé, issues de deux mariages différents. Au cours de l’année 1862, le septuagénaire se rend chez un notaire pour régler les modalités de la transaction. Cependant, les deux familles n’arrivent pas à se mettre d’accord. A chaque tentative de conciliation, le clan Massé refuse toutes les propositions de partage. Le plus virulent de tous est François, le petit-fils du père Clerté. Jugeant le lot accordé aux Jébouin bien plus avantageux, le cultivateur de 21 ans s’oppose violemment à son aïeul.

Finalement, la situation trouve une issue favorable le 5 octobre 1862. Après plusieurs heures de discussion dans un cabaret de Saint-Julien l’Ars, François Massé accepte les termes du contrat. Le soir venu, il décide de dîner chez son grand-père. Au cours du repas, François Clerté est interpelé par le goût détestable du vin contenu dans son verre. L’homme approche le récipient près d’une bougie et remarque des résidus de poudre blanche flottant au fond de celui-ci. Le contenu du verre de François Massé est lui aussi examiné, mais rien d’anormal n’est constaté. « Ce doit être de l’écume de vin », déclare le petit-fils, avant d’aller nettoyer soigneusement le verre incriminé. Aussitôt, François Clérté sent sa chair brûler de l’intérieur. « Je me sens mal au cœur », dit-il. « C’est le vin nouveau qui doit t’attaquer », répond son petit-fils, avant de s’éclipser rapidement sous le prétexte d’avoir du travail à terminer. François Clérté transpire abondamment. Une soif ardente le dévore. Pris de coliques sanguinolentes et de violents vomissements, le vieillard a le corps scié en deux par le mal. La douleur est tellement insoutenable que le malheureux est atteint de tremblements convulsifs. Il ne doit son salut qu’à la vigueur de sa constitution. Remis de ce qu’il pense être une tentative d’empoisonnement, François Clerté dénonce son petit-fils au maire de Saint-Julien l’Ars. Le médecin légiste mandé par le juge d’instruction découvre dans les selles de la victime la présence d’une quantité notable d’émétique, un vomitif pouvant administrer la mort. L’enquête révèlera que trois mois avant les faits, l’accusé avait reçu de la part d’un vétérinaire de grandes quantités de cette substance pour soigner sa mule malade. François Massé est renvoyé devant la cour d’assises de la Vienne. Il devra répondre à l’accusation de tentative d’empoisonnement.

Le procès s’ouvre à Poitiers le 28 novembre 1862. Dans l’esprit des jurés, le mobile du crime est évident : l’accusé voulait jouir au plus vite des biens de son grand-père. Malgré une plaidoirie remarquable de l’avocat de la défense, Me Duplaisset, François Massé est condamné à 20 ans de travaux forcés.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1654
Illustration : L’église de Saint-Julien l’Ars

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