lundi 28 juillet 2008

La passion meurtière du pharmacien de Levroux

Dans le courant de l’année 1861, Athanase Pineau, âgé 25 ans, s’installe à Levroux, où résident déjà plusieurs membres de sa famille. Il ouvre une petite officine, place du Marché. Face à son magasin, de l’autre côté d’une ruelle étroite, se trouve l’épicerie tenu par le sieur Darnault. Des rapports amicaux s’établissent rapidement entre les deux commerçants, d’autant plus qu’ils se découvrent des liens de parenté. Au bout de quelques mois, Athanase est pris d’une passion violente pour Valentine, la femme de son nouvel ami. Après plusieurs hésitations, Athanase se décide enfin, en avril 1864, à déclarer sa flamme.

Un soir, profitant de l’absence du sieur Darnault, il pénètre dans l’épicerie. Valentine est assise à son bureau. Elle lit le journal. Sûr de lui, Athanase commence par glisser quelques « galanteries » à l’oreille de la femme de 28 ans. Puis, se faisant plus pressant, il lui demande de fuir avec lui. Surprise, Valentine le traite de fou et le met à la porte. Ce premier échec, loin de le décourager, exalte au contraire les désirs du pharmacien. En février 1865, alors que M. Darnault est une nouvelle fois absent pour affaire, Athanase retente sa chance. Il se rend dans la boutique de son voisin. Valentine semble seule. Athanase lui parle de son amour pour elle, puis d’un mouvement brusque la saisit par le bras et tente de l’embrasser. Valentine parvient à se libérer de son étreinte et, en guise de représailles, lui porte deux soufflets. Piqué dans son orgueil, Athanase nourrit alors des désirs de vengeance. A partir de ce moment, une rupture complète s’établit entre les deux familles. Le 27 août 1866, c’est jour de marché à Levroux. Athanase a ouvert son officine dès l’aube. D’humeur joyeuse, le pharmacien fume plusieurs cigarettes, installé dans son fauteuil. Curieux, il observe attentivement l’animation qui règne sur la place du bourg. Vers 10h, il aperçoit soudain Valentine quittant son épicerie. Elle est accompagnée de sa mère. Athanase épie ses moindres faits et gestes. Comme Valentine lui tourne le dos, il en profite pour s’emparer de son fusil et se poster sur le seuil de son magasin. Il s’agenouille pour mieux ajuster sa cible et fait feu. Valentine s’effondre sur le pavé dans la panique générale. La balle lui a perforé les reins et l’estomac. Elle décède quelques instants plus tard. Après avoir erré dans les rues, Athanase se rend à la gendarmerie où il se constitue prisonnier. Au cours de son interrogatoire, il déclare que la passion a troublé sa raison. « C’était plus que de l’affection. C’était de la passion, de la folie. Je ne me possédais plus », avoue-t-il au juge d’instruction. Le crime passionnel de Levroux est jugé devant la cour d’assises de l’Indre les 18 et 19 décembre 1866. Lorsque l’accusé fait son apparition dans le prétoire, la foule nombreuse découvre un homme d’1,69 m, mince, blond aux yeux bleus, portant une large moustache et des favoris. L’accusé semble absent des débats. Il appuie sa tête sur sa main gauche de manière à dérober ses traits aux regards du public. Au cours de son réquisitoire, l’avocat général rappelle la moralité exemplaire de la victime, « cette mère de famille dévouée, brusquement enlevée à l’affection des siens parce qu’elle a repoussé les avances d’un libertin ». Il réclame la tête de l’accusé. Athanase Pineau est déclaré coupable d’assassinat avec préméditation. Les jurés ayant accordé les circonstances atténuantes, l’accusé évite la guillotine. Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité.


Sources : Le Moniteur de l’Indre et Archives départementales de l’Indre, 2 U 87.
Illustrations : Plan de la scène du crime et signature de l'assassin (AD36)

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