mercredi 5 novembre 2008

Un chagrin d'amour de porcelainier

Le 30 juillet 1932, est célébré à Châteauroux le mariage de Raymond Blin, 25 ans, auxiliaire des P.T.T, avec Germaine Giraudon, jolie brunette de 32 ans. Dans cette liesse générale, un homme rôde, observe encore un peu plus les moindres mouvements de la mariée. Il est agité. Il s’agit de Marcel Carré, porcelainier à l’usine Chaput de Villedieu-sur-Indre et ancien ami de Germaine. Avant d’épouser Raymond Blin, Germaine a vécu pendant huit ans avec Marcel. Le couple habitait alors à Celon, près de Villedieu-sur-Indre.

A l’époque, la conduite de Germaine était loin d’être exemplaire. Elle partait tous les week-ends à Châteauroux et revenait en début de semaine avec de l’argent. Comme Marcel profitait de ce pécule issu de la prostitution de sa concubine, il n’a jamais trop rien dit. C’est justement au cours d’une de ses sorties que Germaine a rencontré son nouveau mari. Le 10 juillet 1932, elle quitte Marcel et part s’installer au domicile de Raymond et de sa sœur, Marguerite Lory, 56 rue Nationale à Châteauroux. De son côté, Marcel semble se faire à cet abandon. Il n’émet qu’une seule condition, que son ancienne amie lui envoie de temps en temps une lettre pour lui remonter le moral. Les semaines passent et Marcel ne reçoit rien. Cela le met hors de lui. Le porcelainier se met alors à écrire de nombreuses lettres de menaces.

Le 31 août, un accident de machine immobilise la fabrique de porcelaine Chaput. Marcel est libéré. Il tourne en rond. Ses idées de vengeance ne le quittent plus. Le porcelainier, décidé à en finir, prend sa bicyclette, part pour Châteauroux où il arrive au début de l’après-midi. Dans sa poche, il a son couteau, outil de porcelainier. Ce 31 août 1932, vers 15h, Germaine, accompagnée de sa belle-sœur, Marguerite Lory, quitte la rue Nationale pour se rendre chez une parente, route de La Châtre. Lorsque les deux femmes arrivent au carrefour de la route de La Châtre, elles aperçoivent Marcel qui les suit. Marcel se rapproche brusquement des deux femmes. « Allez-vous-en ! Laissez nous tranquilles ! », lance Marguerite à Marcel. « Ce que j’ai ne vous regarde pas », répond le porcelainier. Aussitôt, Marcel lâche sa bicyclette, s’arme de son couteau et d’un geste rapide et sauvage se met à frapper Germaine à la gorge, au cœur, au ventre. La malheureuse s’écroule sur la chaussée. Toujours en vie, Germaine se relève difficilement. Elle tente de s’enfuir. Elle est rattrapée par son ancien amant qui s’acharne sur elle. Un bruit sourd résonne dans la rue, puis plus rien. Le manche du couteau de l’assassin vient de se briser laissant la lame plantée dans le corps de sa victime. Germaine ne bouge plus. Des habitants du quartier surviennent et immobilisent le meurtrier le temps que la police arrive.

Le procès de Marcel Carré, le porcelainier de Villedieu-sur-Indre, s’ouvre devant la cour d’assises de l’Indre le 20 mars 1933. Deux heures avant le début de l’audience, plus de 1500 personnes stationnent devant la porte close, en haut des marches du grand escalier. Visage ovale, la figure toute rasée, les cheveux noirs séparés par une raie impeccable, Marcel Carré, vêtu d’un complet bleu, chemise bleu claire, s’installe presque avec aisance dans le box qui lui est réservé. A 23h, les débats sont déclarés clos. Les jurés se retirent pour délibérer. Une heure plus tard, le chef du jury donne la lecture du verdict : Marcel Carré est déclaré coupable d’assassinat, sans préméditation. L’accusé bénéficie des circonstances atténuantes. La cour et le jury condamnent Marcel Carré à cinq ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour.

Source : Le Progrès de l’Indre
Illustrations : Marcel Carré, Maître Périchon, son avocat et l'accusé lors de son procès (Le Progrès de l'Indre)

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