mardi 27 mai 2008

Jeanne Weber, l'Ogresse de la Goutte d'or (II)

Le 27 juillet 1907, soit plus de trois mois après la mort du petit Bavouzet, les deux experts parisiens, MM. Socquet et Thoinot, arrivent à Villedieu. Ils sont attendus par le juge d’instruction Belleau, le procureur de la République Blavin et les deux médecins castelroussins, MM. Audiat et Bruneau. Au cours de l’autopsie qui se déroule dans le cimetière communal, le professeur Thoinot acquiesce régulièrement : « Voyez donc ces tâches rouges. Je ne m’étonne plus à présent. Et ces grosseurs… Il est certain qu’Auguste Bavouzet n’est pas mort de mort violente. Il est mort d’une fièvre typhoïde ambulatoire ». Les médecins castelroussins sont effarés. « Vous avez discuté notre rapport d’une façon peu courtoise. Si vous aviez vu le corps immédiatement après la mort, vous auriez une tout autre opinion. Mon confrère et moi ne pouvons nous associer à votre rapport. Nous ne le signerons donc pas », réplique avec ardeur le docteur Audiat.

Ce nouveau rebondissement n’arrange pas les affaires du juge d’instruction. Face à toutes ces contradictions, la lumière n’est toujours pas faite sur le personnage de Jeanne Weber. Belleau demeure fidèle à ses convictions. Il fait maintenir Jeanne Weber en détention préventive. Cette décision soulève un tonnerre de contestations. En septembre, le président de la Ligue des Droits de l’Homme adresse une lettre au Garde des Sceaux pour dénoncer l’attitude de celui que l’on nomme « Belleau, le bourreau ». Conséquence probable de toute cette agitation, le 1er novembre, trois nouveaux experts des facultés de médecine de Bordeaux et de Montpellier sont mandés pour donner un avis définitif. Cette fois, il n’y aura pas de troisième autopsie mais une étude minutieuse de tous les rapports qui ont été remis. Sans surprise, il est conclu à une mort naturelle et non criminelle. Jeanne Weber est donc innocente. Le 6 janvier 1908, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bourges rend un non lieu. Jeanne Weber est remise en liberté. Elle quitte Châteauroux le jour même. Ce verdict sonne la victoire des savants parisiens contre les médecins « ignorants » de province.

Le 8 mai 1908, un fait-divers est en première page de tous les journaux nationaux. A Commercy, dans la Meuse, une femme du nom de Jeanne Moulinet a étranglé un enfant de 7 ans. L’identité exacte de la meurtrière, prise en flagrant délit, est révélée : il s’agit de Jeanne Weber. Elle est arrêtée et incarcérée à la prison de Saint-Mihiel. Déclarée irresponsable de ses actes, « l’Ogresse » échappe une nouvelle fois à la justice. Elle est internée à l’asile d’aliénés de Fains par arrêté du 26 décembre 1908. Elle meurt le 5 juillet 1918 des suites d’une crise de folie. Les médecins castelroussins ont leur honneur sauf. « Malgré les menaces à peine déguisées qui nous ont été faites, nous avons refusé de nous incliner et de marcher contre conscience », écrivent-ils, le 18 mai 1908. Les sommités parisiennes se cacheront derrière un argument surprenant : à force d’être persécutée, Jeanne Weber est devenue ce dont on l’accusait : une tueuse d’enfants.

Sources : Le Journal du Département de l’Indre
Illustrations : Portraits de Jeanne Weber et le dernier crime de Jeanne Weber dans le supplément illustré du Petit Journal

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oh ben ça, c'est sûr ! pauvre femme! Tout le monde la croit coupable alors elle, tiens, pour leur donner raison, elle devient coupable pour de bon !!! De qui se moque-t-on ? Qu'est-ce que c'est que cette psychologie de bazar ? Bien sûr que c'est une tueuse en série et qu'elle était coupable DES LE DEBUT.

Par ailleurs, ceux auxquels je tire mon chapeau, c'est les andouilles-ignorants-abrutis de médecins qui ont conclu à des morts naturelles !!! Combien de décès auraient pu être évités ? Mais décidément, chez certains médecins (aujourd'hui comme hier, hélas), l'incommensurable prétention n'a d'égale que l'incommensurable bêtise !